Du dévouement à l’exploitation en milieu associatif

Dans Te plains pas, c’est pas l’usine. L’exploitation en milieu associatif, Lily Zalzett et Stella Fihn, deux salariées du secteur associatif, nous éclairent sur un milieu aux fonctionnements semblables à ceux du secteur privé.

On a tendance à penser le milieu associatif comme l’incarnation de valeurs allant à l’encontre de la recherche du profit. Naïvement, on peut croire que les enjeux de domination n’y ont pas place. Pourtant, les auteures de ce livre nous offre une autre peinture, bien moins reluisante, du milieu associatif.

Dépendance à l’Etat

Les auteures introduisent leur réflexion en abordant la structure associative. Elles soulignent la dépendance des associations au pouvoir étatique. Elles montrent que cela va parfois à l’encontre des politiques des associations.

Pour survivre, les associations dépendent des subventions versées par l’Etat. Elles se retrouvent dans une logique de marché, répondant à des appels d’offre lesquels ne dépendent que des politiques publiques sans cesse mouvantes. Les structures associatives doivent s’adapter aux exigences changeantes de l’Etat.

Un secteur précaire

Si le secteur associatif compte de nombreux volontaires, bénévoles, il propose une myriade d’autres statuts ! Au-delà du salaire, les statuts restent cependant précaires.

On observe par exemple, comme dans beaucoup de secteurs, une hausse des statuts d’auto-entrepreneurs. Ce statut, bien qu’il offre une flexibilité et un sentiment d’être son propre patron, revêt des inconvénients bien réels : le licenciement sans préavis en est un parmi d’autres.

Les auteures reviennent sur le statut de service civique qui, vendu comme une « chance », n’est finalement qu’un emploi déguisé.

Le côté éphémère de ces contrats est pointé à juste titre: comme dans le secteur privé, on a affaire à des prises de décisions à court-terme.

Culpabilisation, contradictions, domination

A la lecture de Lily Zalzett et Stella Fihn, on retiendra l’importance de la notion de dévouement. En effet, les auteures insistent sur l’engagement et la motivation des acteurs du milieu associatif, lesquels croient profondément aux valeurs, à la « cause » de l’association.

Ce dévouement entraine cependant un mode de travail semblable à celui qu’on trouve dans le secteur privé : stress, heures supplémentaires etc.

Derrière une certaine coolitude, les volontaires et les salariés sont soumis à une responsabilisation et une culpabilisation.

Plus grave encore, les auteures observent une reproduction de la logique de domination. Cela passe notamment par l’embauche, dont elles soulignent le caractère insidieux : embaucher un Noir pour représenter le « grand frère » dans un quartier, n’est-ce pas une manière de remplir les quotas ?

Elles relèvent une certaine contradiction entre les valeurs affichées de l’association et les faits. L’embauche qui est censée permettre de dépasser les dominations (raciales, sexuelles, sociales) à l’œuvre dans l’espace public, se retrouvent dans les postes proposés.

Si en façade, l’association apparait comme une famille, les rapports hiérarchiques s’y observent cependant. Au sein de l’association, tous sont soumis aux décisions d’en haut (l’Etat), mais les répercussions ne sont pas les mêmes pour chacun. Sans surprise, elles sont plus dures pour ceux « d’en bas ».

Ce livre a pour vocation de faire reconnaitre le travail associatif. Si l’analyse des auteures est assez sombre, leur message est plein de lutte et d’espoir : arrêtons de cliver les travailleurs et les bénéficiaires et luttons ensemble contre l’exploitation 🦾!