Selfie’storique – la websérie qui valorise les femmes en Histoire

Selfie’storique c’est la websérie qui va te réconcilier avec l’Histoire! La saison 1 retrace la vie de Marie-Antoinette, épouse du roi Louis XVI.

Louise, la créatrice de Selfie’storique, en fait un personnage attachant haut en couleurs. La Marie-Antoinette qu’on connaissait (du moins, on pensait la connaître) dans nos livres d’Histoire poussiéreux est nettement plus fun dans Selfie’storique. Le concept de la chaîne ? « Et si Youtube avait existé à l’époque ». Des personnages féminins racontent leurs vies à la manière des influenceuses. Un pari réussi!

Rencontre avec Marie-Antoinette la talentueuse Louise, comédienne et créatrice de la chaîne.

Comment est née la websérie ? 

Au départ, je cherchais des vidéos de vulgarisation historique sur Youtube. Je souhaitais en apprendre plus sur des femmes en particulier. Les vidéos sur lesquelles je tombais étaient soit pas très rigolotes, soit très longues, enfin je ne trouvais pas exactement ce que je voulais …

Je ne trouvais pas de formats un peu sympas et courts (mais j’ai sûrement très mal cherché). Je me suis dit qu’il y avait matière à créer quelque chose. J’ai noté ça dans un coin de ma tête, j’ai laissé l’idée mûrir un peu. Le COVID est arrivé deux mois plus tard, j’ai eu un petit passage à vide en me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire. Étant donné que je suis comédienne, le domaine de la Culture était en pause. Je me suis rendu compte que les planètes étaient alignées et que j’avais tout pour me lancer: je n’avais besoin que de moi et le projet pouvait se lancer rapidement. 

Tu reprends les codes des youtubers, étais-tu familière de ce média ? 

Pas plus que ça. Je consomme Youtube et les réseaux sociaux de manière normale. Ce qui est sûr c’est que je ne voulais pas faire des vidéos de vulgarisation comme il en existe déjà. Je voulais apporter quelque chose de neuf et des vidéos que j’aurais aimé voir : sérieuses mais qui ne se prennent pas au sérieux !

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La saison 1 est axée sur le personnage de Marie-Antoinette, pourquoi ce choix ? 

Pour plusieurs raisons. Au départ, je souhaitais parler de femmes méconnues mais je me suis vite rendue compte que cela serait compliqué pour démarrer, notamment du point de vue des recherches. Je me documente par mes propres moyens. Je n’ai pas accès à des archives confidentielles et compliquées.

Le personnage de Marie-Antoinette se prêtait bien à l’exercice parce qu’il existe beaucoup de biographies et d’informations. Paradoxalement, on la connaît peu. Moi par exemple, j’ai pris conscience que je la connaissais très mal. Il y avait matière à apprendre des choses et avoir accès à des éléments historiques. En me documentant, les plans des épisodes se construisaient. Sa vie est tellement riche qu’il y avait de quoi étirer et jouer avec tel ou tel concept, c’était vraiment idéal pour commencer. 

Tu en fais un personnage attachant alors qu’elle était détestée par le peuple. Tu dresses la figure d’une femme forte et libre. 

Forcément j’ai envie d’avoir un discours féministe mais sans pour autant tirer les ficelles à tout prix. Si ça s’y prête c’est tant mieux. Je voulais avant tout la rendre humaine parce qu’on la connaît qu’à travers les livres d’Histoire, les documentaires et la manière dont on y aborde les personnages historiques est souvent distanciée.

L’avantage du format des réseaux sociaux c’est que cela crée une proximité. Je voulais la rendre plus accessible tout en restant proche de sa personnalité. L’avantage des biographies que j’ai lues c’est qu’elles détaillent la psychologie de Marie-Antoinette et j’ai donc pu me baser dessus pour construire le personnage. De plus, le fait de la recontextualiser permet de remettre en perspective pourquoi elle était détestée. Je ne veux pas pour autant la défendre ou l’excuser mais juste replacer le contexte afin d’avoir le recul pour savoir pourquoi elle agit de telle ou telle manière. 

La websérie est très bien documentée. On pourrait penser que tu as fait des études d’histoire ou d’histoire de l’art. Comment te documentes-tu ? 

Non, en effet, je ne suis pas historienne ! Je ne voulais pas prendre mes sources sur Internet parce qu’il y a vite des erreurs. Il faut être très vigilant. Je ne voulais pas me compliquer la vie, je préférais me baser sur des textes fiables. J’ai fait des comparatifs entre les biographies, j’en ai lu trois. Cela m’a permis d’avoir une approche différente du personnage : Stéphane Zweig est axé sur l’aspect psychologique, Simone Bertière va chercher à donner les détails les plus complets… J’ai pioché des éléments dans ces biographies et je les ai mises en perspective pour la conception des épisodes.

L’avantage de ces biographies c’est qu’elles sont très documentées, cela m’a facilité la tâche. Pour la saison 2 aussi je travaille à partir de biographies. Ma priorité c’est que le spectateur n’ait pas de doute par rapport aux sources. Évidemment il y a un infime part d’adaptation, mais sinon je voulais que tout soit absolument véridique. Mon point d’honneur c’est qu’il n’y ait aucune erreur historique. Je voulais que le spectateur soit en confiance avec ce qu’il apprend à travers les vidéos. Toutes les sources sont d’ailleurs en description des vidéos. L’idée est d’apprendre et que ce soit agréable

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Tu travailles seule ou avec une équipe ? 

Je suis majoritairement seule : 98% du travail est fait par moi, de l’écriture au montage. Pour le dernier épisode, j’étais accompagnée d’une équipe. Et sinon, un proche m’aide pour faire les voix off masculines et mon entourage me donne un regard extérieur quand je doute ! 

Comment as-tu reconstitué l’univers du XVIIIème siècle ? 

Il m’a fallu ruser ! Pour les décors, j’ai tourné dans un appartement moderne qui avait juste une grande armoire ancienne, un papier peint et un fauteuil qui faisaient un peu XVIIIème. L’idée c’était d’évoquer l’époque, puisque pour rester authentique et tourner à Versailles même, c’était impossible.

J’ai eu la chance d’avoir une autorisation pour tourner le dernier épisode à la Conciergerie. Pour les épisodes sur la Révolution, j’ai tourné à la campagne dans une ancienne maison au vieux mobilier, ce qui m’a permis d’avoir visuellement un petit semblant de l’époque et de varier mes plans. Pour les vlogs, le changement de décors (à la campagne notamment) était essentiel. Cela faisait illusion, même si évidemment il y a des anachronismes: un lampadaire qui se balade, un drapeau français, etc. mais dans l’ensemble, l’illusion fonctionne je crois !

Pour les costumes aussi c’est de l’évocation, l’astuce toute simple c’est que les deux-tiers des vêtements que je porte ne sont autres que des hauts de fast fashion avec un col carré et des épaulettes. Comme on ne me voit jamais de pied, cela donnait l’illusion. J’espère ne pas trop briser la « magie » en dévoilant ces astuces !

En combien de temps as-tu créé la saison 1 ? 

J’ai commencé à écrire tout en faisant mes recherches. Comme les épisodes sont chronologiques, j’ai pu commencer à tourner tout en continuant l’écriture. J’ai commencé en juillet 2020 et diffusé le premier épisode le 7 février 2021. La construction s’est faite dans le désordre. Par exemple, j’ai décidé de faire le Draw my life à la dernière minute : au départ, j’envisageais de faire 11 épisodes et j’ai décidé un mois avant la diffusion du premier épisode d’en faire finalement 12. La saison 2, à priori, devrait me prendre moins de temps, en tout cas j’y travaille ! 

On attend avec impatience la saison 2… Que peux-tu dévoiler de la prochaine saison ? 

En attendant la saison 2, deux vidéos bonus alimentent le contenu de la chaîne: une vidéo sur les coulisses de la saison 1 et une vidéo sur la bibliographie. Un hors-série sortira ensuite au mois de juillet. 

Concernant la saison 2, je ne me suis penchée dessus qu’après avoir fini de diffuser la saison 1, je ne voulais pas m’éparpiller. Elle portera sur la vie de Cléopâtre… J’ai longtemps hésité sur le personnage d’ailleurs. L’exercice est plus compliqué qu’avec Marie-Antoinette, d’une part parce que le sujet est très axé sur la politique, d’autre part parce qu’il y a des zones d’ombres dans sa vie que même les historiens ignorent. J’assume l’existence de ces incertitudes au niveau historique, elles seront mises « en suspens » dans les épisodes.

Je travaille actuellement sur l’écriture des épisodes. Je prévois la saison 2 pour fin août/début septembre, si tout se passe bien. La réalisation variera pour la saison 2 pour que les deux saisons soient bien distinctes. De la même manière, je veux qu’il y ait une scission entre le personnage de la saison 1 et celui de la saison 2, et pas que les gens se disent “C’est Louise qui joue Marie-Antoinette ou Cléopâtre”. C’est un challenge de comédienne !

Et je ne peux m’empêcher également de déjà penser à la saison 3…

L’idée de la websérie est vraiment de faire découvrir des portraits de femmes dans l’Histoire…

Oui parce que les femmes ne sont pas assez mises en valeur. Il s’agit de parler de destins de femmes qu’on ne connaît pas ou pas assez. 

Selfie’storique a aussi une page Instagram… 

La page Instagram me donne plus de visibilité. Je l’utilise pour ajouter des choses que je n’ai pas pu mettre dans l’écriture des épisodes. Cela permet également de faire vivre la chaîne entre les épisodes et les saisons. Il y a aussi plus de proximité sur Instagram avec les DM. L’idée c’est que 75% du travail est sur Youtube et 25% sur Instagram mais le compte Instagram fait écho à la chaîne. 

Quels conseils à celles/ceux qui aimeraient lancer leur websérie ? 

Je dirais qu’il ne faut pas se poser trop de questions (bon moi j’avoue je m’en pose beaucoup trop [rires]). Je pense qu’il faut faire les choses si ça nous plaît et alors ça plaira à d’autres. C’est en arrêtant de me poser trop de questions que j’ai pu me lancer. Cela implique beaucoup de prises de risques mais si on a le désir de créer, il faut le faire. La vie est trop courte pour repousser les choses qu’on aime! C’est un peu bisounours mais c’est ce que j’aurais aimé qu’on me dise !

L’intégralité de la websérie est à visionner ici !

Le récit de Syrine : un chemin vers la résilience !

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Il y a quelques jours, nous avons reçu un message sur notre compte Instagram (Colettemagazine_Officiel) : une certaine Syrine M., plus connue sous le nom de @Plusjamaissilencieuse nous a fait part de son envie de s’exprimer sur un sujet tabou, celui de la pédophilie. Son message et son compte nous ont immédiatement interpellées : ses posts originaux, prenant la forme de poésies brèves, incisives, incitent à questionner notre éducation, notre rapport au consentement, à réfléchir à des problèmes de société de fond. Et d’ailleurs, après le viol, quelle voie emprunter ?

Grâce au récit de Syrine, nous avons compris un fait essentiel : si le chemin de la reconstruction des victimes de viol s’avère long, sinueux, souvent semé d’embuches, la résilience existe. Ce témoignage en est la preuve.

Bonjour Syrine, nous sommes les cofondatrices de Colette Magazine. Nous échangeons aujourd’hui pour la première fois car tu souhaitais raconter ton histoire ?

Enchantée, oui, je suis ravie de pouvoir m’exprimer.

Un peu de contexte avant d’entrer dans le vif du sujet. Qui es-tu ? Que fais-tu au quotidien ? Qu’est-ce qui t’as amené à créer ce compte @plusjamaissilencieuses ?

J’écris sous le nom plusjamaissilencieuses, un compte instagram que j’ai créé autour du 20 février et en fait je n’ai pas mis mon nom / prénom tout de suite, je préférais écrire de manière anonyme car j’avais besoin de temps avant de vraiment me dévoiler.

Pour me décrire , en quelques phrases, je dirais que je suis une femme engagée, et notamment à travers ce compte, je suis étudiante, je suis aussi maman… J’ai plusieurs casquettes !

Pourquoi ce compte ?

Parce que j’ai été victime d’agression sexuelle lorsque j’avais 9 ans, et ça a duré pendant plus de deux ans.

C’était quelqu’un qui était très proche de mon entourage, c’est pour ça que je n’ai pas pu en parler de moi-même, et comme je l’écris dans un de mes textes, je n’ai pas eu des parents qui ont su comprendre les faits et m’accompagner, au contraire, ils m’ont également eux aussi condamné.

Ce qui m’a conduit à me renfermer dans une sorte de mutisme pendant des années et la conséquence de ce que j’ai vécu a eu des répercussions assez douloureuses dans ma vie.

C’est pour ça que j’ai décidé d’écrire et de me lancer dans l’aventure parce que la plupart du temps j’étais un peu frustrée de m’apercevoir que beaucoup de personnes parlaient d’agressions sexuelles, de viol etc. mais souvent je réalisais que ces personnes-là ne l’avaient pas directement vécu.

Et moi dans ce débat-là, il me manquait quelque chose pour m’identifier, parce que je ne trouvais pas que ce soit assez bien décrit, et à travers mon compte et à travers certains textes j’ai souhaité parler de ce que j’ai subi sans vouloir faire de la peine ou autre, je voulais vraiment qu’il en sorte un sentiment de résilience, qu’on se dise « ce qui ne te tue pas te rend plus forte », et surtout je mets vraiment un point d’honneur à parler des conséquences.

Parce que je trouve que l’on ne parle pas assez des conséquences que cela génère, et c’est pour ça que je me suis lancée dans l’écriture.

« Ce qui ne te tue pas te rend plus forte. »

–Syrine M. – @Plusjamaissilencieuses

Bravo pour cette aventure qui commence, nous te trouvons très courageuse de passer par l’écriture.

Tu parles de conséquences, quelles sont-elles justement ? Est-ce que tu as réussi à t’en sortir, grâce à ce cheminement d’écriture, ce compte Instagram, ou est-ce que tu as eu recours à d’autres moyens pour te relever de ce traumatisme ?

Il y a un mot qui est très fort pour moi, c’est la résilience, c’est le nerf de la guerre, et c’est ce que j’ai réussi à entreprendre.

Les conséquences, ça va être la boulimie et l’anorexie : on les présente souvent comme des maladies mentales ou des troubles du comportement alimentaire, pour moi c’est la conséquence d’un traumatisme.

J’ai eu des troubles alimentaires pendant des années, je me suis fait vomir parce que j’avais besoin de manger énormément à outrance pour combler un vide que j’avais, et finalement besoin de me débarrasser du sentiment de culpabilité.

La conséquence première que je ressens à titre personnel, c’est la culpabilité. Souvent, je me rends compte, même les personnes qui viennent me parler, se sentent coupables de ce qu’elles ont vécu, elles se chargent de la culpabilité de leur agresseur. Bien souvent, les agresseurs font partie du cercle familial ou en tout cas du cercle proche, et dans ces cas-là forcément ces personnes sont condamnées au silence, ont peur de dire les choses parce qu’ils ont peur de déranger.

Autre type de conséquence, ça va être les comportements avec les hommes.

Je sais que j’ai eu des comportements avec les hommes où on aurait pu me traiter de tapin, que je ne me respectais pas et ainsi de suite…. Le truc c’est que quand on t’a appris petite que pour recevoir de l’amour, il faut « te donner », il faut faire des choses sexuelles, forcément ton cerveau l’enregistre comme le ferait un ordinateur, et plus tard, ce type de données vont influencer logiquement ton comportement avec les hommes.

Les personnes extérieures, en général, vont juste te juger et pas se poser les bonnes questions de « tiens mais au fait, pourquoi elle agit comme ça ? »

Donc les agressions sexuelles, ça entraîne plein de conséquences.

Les troubles alimentaires, des comportements avec les hommes particuliers, un manque de confiance, un besoin de reconnaissance qui est ÉNORME, et ce qui va d’ailleurs nous mener à nous enticher du premier venu parce que tout simplement, nous avons besoin d’amour.

Autre conséquence dont tu parles sur ton compte Instagram, tu as donc dû te couper de certaines personnes, de ton entourage, des personnes qui ne t’ont pas soutenue ? Quelle a été la réaction de tes proches, et notamment, de ta maman ?

Tiens, question super intéressante.

Parce qu’encore une fois : on ne parle pas assez de l’entourage, de comment celui-ci va accueillir la chose et va gérer la chose. Parce que finalement, ce qui va être déterminant dans ta reconstruction, ce sont les personnes qui vont te soutenir.

Et moi ce n’a pas été le cas…

Si tu veux, je te refais le topo.

J’ai grandi dans une famille totalement disloquée, mon père n’était pas là, ma mère avait déjà des troubles du comportement à tendance un peu bipolaire, elle était souvent sous l’emprise de la drogue, elle prenait beaucoup de substances illicites.

Elle s’est entichée d’un homme avec qui elle est restée pendant des années, qui n’était donc pas mon père biologique, et moi j’ai été rangée dans l’espèce d’unité familiale qu’ils ont construit.

Un jour, ils ont eu des enfants, et à partir de cet instant je n’étais plus la bienvenue.

Cet homme n’était pas mon père légitime, ils avaient créé leur univers, donc pendant longtemps je suis restée enfermée dans ma chambre. Je ne sortais pas de ma chambre, on ne voulait pas me voir.

J’étais livrée à moi-même, et c’est là que j’ai fait la connaissance de ce « voisin ».

C’était mon voisin.

Un homme qui avait une cinquantaine d’années, qui avait déjà à charge des enfants (je ne suis pas la seule victime de cette histoire-là), je me suis liée d’amitié avec cette autre petite fille qu’il « gardait », et ça a commencé comme ça.

Un manque de repère : ça a commencé par une caresse et j’ai pris ça pour de la tendresse.

Dans mon cercle familial, je n’avais personne pour m’épauler, j’étais vue comme ma mère m’appelait souvent, « une source de problèmes » parce que j’étais un obstacle et un frein à sa nouvelle vie.

J’ai donc été violée pendant plus de deux ans par cet homme-là, et ce qui s’est passé, moi je n’aurai jamais osé le dire parce que je savais très bien que ma mère était violente et il m’avait souvent menacé en me disant si tu vas le dire à ta mère… Non pardon : « si tu ne dis pas non et si tu refuses ce que j’ai envie de te faire je vais le dire à ta mère. »

Ça s’est su comment ?

Eh bien un jour, j’étais chez ma mère (parce que je vivais très souvent chez lui en général), et les gendarmes ont frappé à la porte et ils nous ont dit qu’ils avaient retrouvé les vidéos pédopornographiques sur lesquelles j’étais dessus. Et c’est comme ça que ça s’est su.

Quelqu’un avait donc contacté la police ?

En fait, les policiers font souvent des recherches sur les ordinateurs. Et il se trouve qu’ils avaient déjà été sensibilisé aux problèmes de cette personne-là, et ils ont retrouvé près de 420 000 clips de vidéos pédopornographiques sur lesquels j’étais dessus. Et malheureusement et heureusement pour moi il avait déjà tout avoué à la police lorsqu’il s’est fait arrêté. Et donc ils sont venus frapper à ma porte, et c’est comme ça que tout s’est su.

Je n’ai pas eu du tout le soutien de ma mère à ce moment-là, bien au contraire, comme je viens de l’écrire récemment dans mon feed instagram (d’ailleurs j’ai remis tous mes textes et la fréquence est plus régulière en ce moment parce que j’avais dû supprimer tous mes textes pour changer de ligne éditoriale).

Ma mère, quand ça s’est su, m’a dit que pour elle, j’avais dû aimer ça, parce que sinon pourquoi ça aurait duré aussi longtemps.

Après la justice s’en est mêlée, mais clairement personne de cette bulle-là ne m’a prise en charge.

Est-ce qu’à ce moment-là tu as eu un soutien psychologique ? Et d’ailleurs quel âge tu avais lorsque ça s’est su ?

Ça a duré de mes 9 ans à mes 11 ans, et il me semble que je devais avoir 12 ans quand ça s’est su.

Les fréquences des viols ont commencé à diminuer parce qu’il commençait à être inquiété par la justice, ce que je comprends aujourd’hui, et finalement les visites s’estompaient.

Je suis vraiment allée loin avec lui, il m’a emmené jusqu’en Norvège, ma mère a fait une autorisation – c’est vrai que ça surprend toujours – mais elle a signé un papier pour autoriser sa fille à se rendre en Norvège accompagné d’un homme de 54 ans.

Pourquoi en Norvège ?

Ce qu’il faut savoir c’est que c’était un réseau, il n’était pas seul, j’avais rencontré d’autres personnes qui commettaient ce même type d’actes et pourquoi en Norvège, parce qu’il était norvégien.

Il parlait très peu français. On communiquait en anglais ou alors avec quelques bribes de mots en Français. Je tiens à dire aussi, ce sont des questions que j’ai eues et des retours quand j’étais petite qui m’ont profondément traumatisé qui m’ont dit « oui mais, rester aussi longtemps, t’avais le choix, même petite tu étais extravertie… »

Ou même quand j’ai relu le procès-verbal, ils nous décrivent cet homme-là et moi comme un couple, alors que j’avais seulement 9 ans et lui 54 ans.

Extrait de l’ordonnance de mise en accusation de l’agresseur.

Comme j’étais livrée à moi-même finalement, je ne pouvais pas manger à ma faim et avoir une hygiène normale.

J’ai compris que chez cet homme-là, je pouvais recevoir des soins primaires, ne serait-ce que de l’affection et de la tendresse, et c’était finalement un moyen de survie que j’ai dû utiliser pendant plus de deux ans.

Comment décrirais-tu ton agresseur ?

Je pose la question parce qu’on a tendance à percevoir ce dernier de manière très cliché (un homme crapuleux, trapu, méchant, qu’on reconnait tout de suite au coin de la rue…) alors que j’imagine que dans la réalité cette description stéréotypée est loin d’être la seule.

Est-ce qu’aujourd’hui, en le voyant, tu te serais dit ah oui ce mec-là, c’est un type horrible ?

Très bonne question, et tu parles de cliché en plus c’est parfait, parce que justement : très souvent, quand on présente un agresseur, ou les agresseurs dont on entend le plus parler à la télé, ce sont régulièrement des inconnus qui ont violé des jeunes filles au coin de la rue… Non, ce n’est pas ça (pas dans la plupart des cas).

Dans 90% des cas, l’agresseur est très proche de la famille.

C’est un parent, un frère, une sœur, parce que oui il n’y a pas que les hommes qui commettent des actes de pédophilie – c’est important aussi de le dire – et justement lui, c’est monsieur tout le monde.

Il est le monsieur qu’on a envie d’apprécier, il va rendre des services, il va savoir se rendre indispensable… Comme une araignée il va tisser une toile, et finalement représenter le sauveur.

Moi, aujourd’hui, avec mon regard d’adulte, comment je vais le décrire ?

Je vais le décrire comme quelqu’un de penaud, qui fait de la peine, pas quelqu’un qui fait peur.

Une personne qui inspire de la sympathie et de la bienveillance, pas du tout la bête affreuse que l’on peut s’imaginer. C’est quelqu’un de très intelligent, de cultivé, qui a su se rendre indispensable et pourquoi, parce que déjà il avait beaucoup d’amis, les gens l’appréciaient. Les gens l’appréciaient tellement qu’on leur confiait leur enfant.

Tout à l’heure, tu nous expliquais qu’il s’agissait d’un « réseau », de quel réseau s’agit-il ? Un réseau pédophile norvégien, français ? Ou les deux ?

C’est à travers le procès-verbal que j’ai compris que c’était un réseau, moi à titre personnel, j’ai connu un autre homme. Il faut savoir qu’en Scandinavie, dans les pays nordiques en tout cas, on met en avant les droits de la femme, il y a énormément de pédophilie et de réseaux qui se créent là-bas.

Ce qui s’est passé, c’est que lui est arrivé en France grâce à l’intermédiaire d’un ami qui vient du Danemark et les deux avaient une appétence pour les enfants et ils s’échangeaient des mails régulièrement. Et cet homme-là fournissait des médicaments, du GHB principalement, pour pouvoir nous endormir. La jeune fille qui a vécu ce traumatisme et moi subissions des actes d’agressions et de pénétrations sexuelles pendant que l’on dormait.

Voilà, il allait se fournir chez cet homme-là, et c’est même cet homme-là qui l’a mis en garde au bout d’un an, un an et demie, en lui disant attention, ça commence à se voir ta relation avec les filles, ça commence à être dangereux.

C’est comme ça que les choses, les liens se sont étiolés jusqu’à finalement ne plus arriver.

[Silence] … Merci beaucoup en tout cas de nous raconter tout ça. C’est super important d’en parler.

Au niveau de la prise en charge, es-tu allée voir des associations personnellement, ou est-ce qu’il y en a certaines que tu recommanderais sans hésiter ?

Alors, moi non, je n’ai pas été prise en charge.

C’est d’ailleurs ce que je regrette et ce que j’aimerais mettre en avant, c’est que de mon côté quand ça s’est su, je n’ai pas été prise en charge. C’est pourtant ce que j’aurais souhaité, et c’est d’ailleurs un de mes combats, à mon sens chaque victime, peu importe l’âge, l’acte, ou le degré de traumatisme vécu, devrait se faire financer un suivi psychologique, thérapeutique de qualité.

Et quand je dis ces mots, attention, je ne parle pas de psychiatrie.

Parce qu’évidemment, ok, les psychiatres sont remboursés par la sécurité sociale, mais pour en avoir vu plusieurs, à mon sens la psychiatrie n’est pas adaptée à ces traumatismes.

Je n’ai donc pas été prise en charge et j’étais aussi dans un flou total, ça a d’ailleurs été la dégringolade, je suis tombée dans l’alcoolisme, les comportements déviants avec les hommes, la boulimie, j’étais dans un schéma très autodestructeur.

Le déclencheur ça a été une rencontre, mon compagnon actuel, il m’a dit écoute, il faut que tu vois quelqu’un. Et là, j’ai commencé à entreprendre les démarches mais j’ai toujours été craintive et sauvage par rapport à ça, et finalement je suis allée moi-même tester différentes thérapies avec des psychologues, avec des techniques adaptées, etc.

C’est comme ça que j’ai réussi à avancer, à être un peu plus chaque jour dans la résilience.

Aujourd’hui, l’écriture, c’est vraiment l’une de mes meilleures thérapies. Ce que j’essaie de mettre à travers mon compte instagram, les sondages et les questions-réponses, c’est que tout le monde peut parler de manière anonyme et ça, ça fait énormément de bien.

Juste libérer la parole.

Après, trouver un exutoire. Un moyen d’expression, le sport, le dessin, n’importe quel moyen pour exprimer ce que l’on a en soi.

Par rapport à ta mère, quelles ont été les étapes pour te détacher d’elle, et de ses jugements incessants à ton égard ?

Quand ça s’est su, ma mère a eu un comportement très violent avec moi c’est-à-dire qu’elle ne me considérait plus comme un être humain.

Elle a été très très violente avec moi, elle a commencé à me frapper de plus en plus fort, elle me crachait dessus en public… elle n’avait plus aucune considération pour ma personne. Et elle avait des troubles avec les addictions, et elle n’a pas été capable de gérer sa culpabilité, elle a préféré me la faire endosser, parce qu’elle s’est rendu compte à quel point ce qu’elle avait fait et ce qu’elle avait laissé faire c’était horrible et finalement elle s’est réveillée de ses années d’absence durant lesquelles elle n’était absolument pas dans son rôle.

Ce qui s’est passé, c’est qu’elle était donc avec son compagnon qui était lui aussi très dépendant de l’alcool (donc lui aussi était nocif), puis ils se sont séparés, et une fois en instance de séparation, l’homme avec qui elle était a récupéré la garde de mon frère et de ma sœur, et moi je suis allée quelque temps chez sa famille, mais je n’avais nulle part où aller, parce que ma mère était rentrée en hôpital de jour. Puis elle m’a dit tu vas aller chez ta tante.

Ma tante que je remercie profondément qui m’a vraiment permis d’avancer. Elle m’a dit tu vas aller chez elle en vacances. Puis finalement, tu y restes.

Je suis restée là-bas chez ma tante – là-bas : Bordeaux, je suis passée de Nice à Bordeaux – et pendant longtemps j’avais besoin de ce lien avec ma mère. Je me rendais compte qu’elle était toxique et nocive, mais pendant des années j’ai cherché le lien avec elle, j’avais besoin de cette reconnaissance maternelle, d’être l’enfant de quelqu’un, que quelqu’un dise de moi que j’étais quelqu’un de bien, que l’on me donne cette confiance que je n’avais pas, jusqu’à ce que je me rende compte que c’était plus nocif qu’autre chose pour moi.

Depuis près de deux ans, j’ai réussi à faire un deuil de ma relation avec ma mère.

C’est réellement ça, j’ai fait le deuil de ma mère.

Vous n’avez donc plus aucun contact ?

Non, plus aucun contact, elle est bloquée de partout, le problème en fait c’est qu’elle ne reconnaît qu’à moitié sa culpabilité, ça c’est très difficile pour moi parce que c’est comme si je me manquais de respect encore une fois à moi-même en l’autorisant à avoir une influence sur moi, ou à lui permettre de me juger ou quoi que ce soit d’autre après tout le mal qu’elle m’a fait.

Je ne veux pas non plus qu’elle rentre dans la famille que j’ai réussi à construire aujourd’hui. J’ai fait le deuil, pour moi, elle n’existe plus, elle est à part, je ne la vois plus, c’est mieux comme ça.

Il m’a fallu du temps pour l’accepter parce que c’est dur, parce que ça reste ma mère, et surtout parce que c’est difficile de grandir sans parent, parce que forcément on va chercher des modèles chez n’importe qui et tous les modèles ne sont pas bons.

J’avais souvent ce manque, ce besoin de m’identitifier à quelqu’un…

Et voilà, aujourd’hui, c’est chose faite, le manque est comblé, je suis plutôt contente ! [rires de joie]

Ta tante finalement a pris en charge ton éducation c’est bien ça ? Est-ce que tu as pu tout lui raconter, ou alors la police l’en a informé ? Comment ta tante a-t-elle accueilli les faits ? A-t-elle su t’écouter ?

Oui !

Ma tante l’a su par ma mère, et au moment où elle a compris, elle a dit à ma mère « je veux bien venir chercher ta fille, elle vient à la maison, mais je ne veux plus te voir ». Aujourd’hui ma tante ne parle plus à ma mère, elle ne lui pardonne pas ce qu’elle a fait.

Il faut aussi savoir que dès ma naissance, en Tunisie, j’avais une relation très privilégiée avec ma tante et elle me disait souvent que quand elle m’a vu la première fois elle a eu un coup de foudre pour moi, elle a souvent fait des allers retours entre la France et la Tunisie pour venir me voir, elle a toujours été là dans ma vie, elle a été là quand j’en avais besoin, à mes 13 ans, quand je suis venue habiter chez elle.

On n’a pas forcément parler de ça, mais elle m’a appris des choses que je n’avais pas.

Quand je dis que j’étais enfermée dans une chambre, c’est réel, c’est-à-dire que j’ai déjà passé un mois et demi sans me laver, sans avoir de soins, sans me doucher. Ma tante m’a appris à me mettre à table, à manger avec des couverts, à avoir une hygiène, c’est peut-être banal, mais le fait de changer de culotte tous les jours, de se doucher, de prendre soin de soi, elle m’a appris le goût de la lecture, elle m’a appris à bien m’exprimer… Toutes ces belles choses-là.

[Parenthèse] Est-ce que tu as lu Le Consentement de Vanessa Springora ?

Non pas du tout mais je vais le noter !

De quoi ça parle ?

C’est l’histoire de Vanessa Springora, l’autrice, qui a été abusée par Matzneff alors qu’elle était mineure.

Bien sûr ce n’est pas la même histoire [NDLR et de toute façon chaque histoire est unique] C’était juste pour rebondir sur l’aspect exutoire, la lecture aussi peut aider j’imagine à mieux comprendre les rouages de ce que l’on a subi.

Oui, c’est super intéressant.

Récemment j’ai regardé un film, je ne sais pas si vous l’avez vu, Les Chatouilles, d’Andréa Bescond, et ça a été la première fois où j’ai vu qu’une personne racontait son histoire qui s’est déroulée dans un cercle familial, j’ai trouvé ce film extraordinaire.

Oui, il est top ce film. Si je te parlais du livre, c’est parce qu’elle parle aussi de la complicité de sa mère qui était témoin de cette relation avec cet homme, qui l’a même presque mise dans les pattes de son agresseur.

C’est hyper intéressant qu’on parle des femmes en effet, parce qu’on est figés dans le cliché que la femme est un être extraordinaire, presque surnaturel, bienveillant, on n’accepte pas que la femme puisse avoir des défauts, et on ne parle pas assez des filles ou des femmes qui agressent alors que c’est une réalité.

Il y a d’ailleurs énormément de femmes qui sont complices de ces actes-là pour retenir leur homme, parce qu’elles ont compris que l’homme était intéressé par la jeune fille et non par elles, et il y a aussi d’autres cas où des femmes vont privilégier leur mari, leur relation au détriment de leurs enfants, et ça a été le cas de ma mère.

Autre livre que j’ai lu récemment, qui est certainement plus connu et davantage médiatisé : la Familia Grande, tu connais ?

Ah ! Oui, tout à fait, de Kouchner !

C’est d’ailleurs ce qui a donné un souffle au mouvement #metoo inceste et ça aide énormément.

Il était temps que la parole se libère.

[Fin de Parenthèse] Pour revenir au profil de ton agresseur, et pour libérer la parole et briser les clichés justement ! Est-ce que ton agresseur était marié, avait une compagne ? Allait-il jusqu’à agresser sexuellement ses propres enfants ?

Alors, il était natif de la Norvège, il était en couple, marié, et avec sa femme ils ont eu un fils et une petite fille. Ils se sont séparés, c’est là qu’il est parti vivre à Nice avec son fils, alors âgé de 16 ans.

 Il se sont installés dans la maison juste à côté, qui était collée à la nôtre.

Quand je parlais de 420 000 vidéos tout à l’heure, ce sont des vidéos donc de moi, et d’une autre petite fille.

J’ai connu quatre ou cinq autre personnes victimes de ses agressions sexuelles.

Il y avait la fille avec qui j’étais, qui était à l’époque mon amie, qui a vécu ces traumatismes-là, mais elle a réussi à partir avant. Il y avait des jeunes filles aussi, qui, lorsqu’on est partis en Norvège, j’ai compris qu’il se passait quelque chose parce qu’il allait souvent « aider leur famille » parce que les parents étaient sourds-muets etc.

Moi, pendant ce temps-là, j’allais souvent dans une maison où il y avait une jeune fille, qui s’appelait Matilda, et en parlant avec elle, même si on ne parlait pas la même langue, j’ai compris qu’elle avait vécu ça.

Par la suite dans le procès, ça a aussi été dit.

Aussi, je me rappellerai toujours la photo d’un petit garçon métisse qui était sur son bureau. J’ai compris à travers ces photos que lui aussi avait vécu ces actes atroces.

Es-tu restée en contact avec cette amie ? As-tu revu Matilda, et / ou ce petit garçon ? As-tu renoué contact bien plus tard ?

La jeune fille française avec qui j’étais amie, j’ai essayé de lui reparler récemment

 Et c’est là qu’on voit que finalement, on vit tous des traumatismes et on les gère tous différemment, parce qu’elle, elle est dans une forme de déni.

Elle a été beaucoup plus impactée, ça a généré énormément de névroses chez elle.

J’ai essayé de lui reparler mais pour elle c’était trop violent, trop traumatisant, on a eu un échange assez bref et assez superficiel, elle n’a pas voulu parler avec moi. Pour elle c’était trop, et ça je le respecte tout à fait. Mais donc, non, il n’y a pas eu de lien particulier ensuite.

Tu nous parles d’agressions sexuelles, était-il également violent physiquement ? Est-ce qu’il vous frappait ?

Non justement, comme je disais tout à l’heure, ce serait effectivement un autre cliché à briser puisque non il ne faisait pas peur du tout, il parlait tout doucement, il avait l’air un petit peu penaud. Il exerçait une menace en me disant qu’il allait tout dire à ma mère, il y a eu une seule fois où il m’a insulté en anglais parce que j’ai refusé un rapport sexuel dans une voiture, je ne voulais pas qu’il me touche.

Sinon la plupart du temps, dans sa maison, alors que son fils y vivait, on avait une chambre « à nous », il nous achetait des vêtements, parce qu’il avait beaucoup d’argent, j’avais un collier serti de diamants avec la première lettre de mon prénom… On était pourries gâtées en fait.

Moi je ne voyais qu’une chose, quelqu’un qui subvenait à mes besoins.

C’était quelqu’un qui nous achetait continuellement, et lorsqu’il y avait un refus la menace c’était soit « tu ne m’aimes pas » ou alors « je vais le dire à tes parents ».

C’était de la violence psychologique, avec un lien de subordination. Il avait un ascendant sur moi, et il savait que je n’avais nulle part où aller.

Est-ce qu’à ce moment-là, tu savais que c’était un agresseur ? Avais-tu abordé la question de l’éducation sexuelle avec ta mère ou d’autres adultes, des professeurs ?

Je n’ai jamais abordé ça avec ma mère, en revanche j’avais conscience que c’était mal, j’avais l’impression que c’était de ma faute, que j’allais le chercher et que j’étais quelqu’un de seule, pour moi c’était forcément moi la coupable.

Je pensais que c’était moi qui avais fait une grosse bêtise, que c’était extrêmement grave mais je savais très bien du haut de mes neuf ans, que j’étais obligée de me mettre dans cette situation-là pour pouvoir fuir la violence qu’il y avait au sein de mon foyer, avec ces personnes complètement droguées, shootées dans une autre réalité.

J’essayais de me déconnecter de ce schéma-là pour tomber dans un autre schéma, où finalement j’agissais un peu comme la petite adulte, « OK, donc pour survivre il faut que je fasse ça », je répondais à ses avances, je savais très bien ce qu’il fallait faire, il m’a vraiment…

Ce qui est vraiment étrange avec lequel j’ai beaucoup de mal avec ma sexualité, c’est qu’il m’a éduqué sexuellement où dans le sens c’est avec lui que j’ai appris à faire des fellations, comment faire des strip-teases, comment satisfaire un homme, il y a vraiment une éducation, il a donné des cours hein, il y avait des journées où il donnait des cours : qu’est-ce qu’il fallait faire, comment te comporter, il m’habillait avec les vêtements qu’il lui plaisait…

Tout ça, ça a été très difficile.

[Silence] C’est dur de trouver les mots ! On a envie de dire désolée que tu aies vécu ça, on aurait voulu que ça ne t’arrive jamais…

C’est extra déjà d’accueillir ce que je vous raconte, si j’étais à votre place, j’aurais envie de rentrer dans l’ordinateur ! Déjà un grand merci, vous restez là, vous restez calmes, c’est pas évident de recevoir tout ça. Merci infiniment de me donner la parole parce que moi aujourd’hui c’est que j’ai envie de faire c’est d’insuffler un nouveau souffle, un nouvel élan, je veux pas de pitié ou quoi que ce soit, je suis là OK, c’est arrivé, on va se battre.

Surtout, je veux déculpabiliser les victimes par rapport aux comportement que ça génère, dire en aucun cas ce n’est de votre faute, on est ensemble : plus jamais silencieuses, ensemble, on est plus fortes.

Résilience. Le maître mot !

Résilience tout à fait !

Aujourd’hui, tu es maman ? Est-ce que tout va pour le mieux maintenant ?

Oui, je suis maman d’une petite fille qui va bientôt avoir neuf ans.

Je l’ai eue très très jeune, à l’âge de 17 ans suite à un déni de grossesse. Non ça a été difficile, comme un spasme à mes engagements, parce qu’il y a un tabou autour de la maternité de « oh la la, c’est le coup de foudre, c’est génial, tout va bien », on parle aussi du baby blues, un nom bien joli pour décrire des sentiments qui sont totalement différents.

Non clairement, je le dis, ça n’a pas été le coup de foudre, j’ai accouché, quand je l’ai su j’en étais à cinq mois et demi, j’ai mis près d’un an, un an et demi, à comprendre que j’étais mère, à l’appréhender, à l’apprivoiser, et à l’aimer tout simplement.

Au début, j’étais un peu la maman mécanique, je faisais tout ce qu’il fallait faire, ce qui était écrit dans les livres, ce qu’on m’avait dit « oui il faut allaiter parce que si tu n’allaites pas tu vas ressentir de la culpabilité etc » donc j’allaitais etc. je suivais tous les conseils adaptés, j’ai vraiment mis du temps à apprendre à être mère, et j’apprends encore à l’être. C’est pas évident, parfois j’ai tendance à transposer ce que moi j’ai pu ressentir sur elle, donc je suis aussi très parano, j’ai peur de lui transmettre ce que j’ai vécu, ce n’est pas la relation la plus épanouie de l’univers mais je fais de mon mieux.  Je pense que c’est le principal, je fais de mon mieux, je ne suis pas parfaite loin de là, je fais plein d’erreurs tout le temps, mais je fais de mon mieux pour la protéger et aujourd’hui je l’aime !

Je l’aime, c’est ma fille. Et ça, c’est bien de pouvoir le dire, mais aussi de pouvoir le ressentir.

C’est très courageux de ta part, déjà d’avoir souhaité la garder c’est bien le signe qu’il y avait dès le départ un amour très fort, une envie de transmettre, malgré ton déni de grossesse j’imagine, est-ce qu’à un moment donné, avant ton accouchement tu t’es posée des questions, notamment liées à une éventuelle adoption ?

Ah oui ! Bien sûr.

Très honnêtement, si je l’avais su avant d’en être à cinq mois et demie, j’aurai tout fait pour avorter. Je me suis renseignée, j’ai appelé des centres, etc. Il n’y avait qu’aux Pays-Bas d’ailleurs où j’avais la possibilité d’avorter à cinq mois de grossesse, cependant je n’avais pas les moyens nécessaires….

C’est peut-être horrible ce que je vais dire mais j’aurai préféré interrompre ma grossesse plutôt qu’une autre personne que moi s’occupe de mon enfant.

Je n’aurai pas pu vivre avec l’idée que je ne connais pas mon enfant, qu’il grandit, alors que c’est mon être, c’est la chair de ma chair, j’aurai pas pu vivre avec ça.

C’est peut-être égoïste, parce que j’étais à la rue à ce moment-là, je n’avais pas du tout les moyens nécessaires pour élever un enfant correctement mais je ne voulais pas que ce soit une autre personne qui ait cette responsabilité-là.

Pour moi, c’était hors de question de ne pas connaître mon enfant.

Et en même temps, je reconnais que c’est un choix égoïste, parce qu’elle a grandi dans des conditions qui étaient très compliquées. J’ai vécu pendant deux ans dans un foyer maternel et les foyers maternels malheureusement…

Heureusement que ça existe, mais disons que ce n’est pas ça, on a vécu dans un 15 mètres carrés pendant plus de deux ans et demie, on dormait dans un lit une place, dans des conditions très précaires, moi j’étais totalement à ce moment-là dans l’autodestruction, elle a vu beaucoup de mes comportements nocifs et auto-destructeurs, voilà.

J’ai grandi avec elle, donc forcément elle a aussi une éponge émotionnelle, elle a ressenti tout ce que j’ai pu vivre. Aujourd’hui je m’en rends compte, ce n’est pas comme les autres enfants, elle a certaines réactions, je me dis en même temps ce n’est pas grave, moi j’ai vécu ça, ça m’a rendu plus fortes aujourd’hui, je ferai de mon mieux, on va grandir ensemble et petit à petit j’arrive à lui redonner vraiment sa place d’enfant que je n’ai pas très bien su lui donner quand elle était petite, et moi devenir vraiment parent.

Est-ce que tu as parlé à ta fille de ce qu’il t’est arrivé ? 

Elle est encore très jeune, je ne voudrais pas qu’elle ait peur des hommes et qu’elle porte ma culpabilité et mon fardeau. Même si je suis très parano, qu’elle ne va pas chez des copines, que je suis très protectrice parce que j’ai trop peur et que je pourrai pas survivre à ça parce que s’il arrive la même chose à mon enfant pour moi j’aurai reproduit le schéma et tout raté.

Elle est encore jeune, je n’ai pas envie de lui donner mes peurs. C’est peut-être quelque chose que je partagerai avec elle sous forme d’écrit, parce que c’est vrai que j’aimerai beaucoup écrire un livre.

Peut-être lui donner mon histoire…

Mais je tiens à ce qu’il y ait une certaine forme de pudeur entre elle et moi, qu’il y ait mon histoire d’un côté, de l’autre mon enfant. Je tiens aussi à mon intimité, et je tiens à la préserver en posant une barrière, afin qu’elle ne se responsabilise pas de ce que moi j’ai vécu. Malheureusement, c’est ce qu’elle a fait par moment quand je n’étais pas bien, elle essayait de me consoler, elle a vu des choses qu’elle n’aurait pas du voir lorsque moi-même j’étais trop jeune pour lui donner sa place d’enfant. Donc aujourd’hui, j’essaie de la préserver au maximum.

En revanche, j’essaie de lui donner des valeurs, de lui donner certaines choses, je n’ai pas toujours les bons mots mais j’essaie.

À propos d’éducation, que penses-tu de notre système actuel, en France, quelles améliorations souhaiterais-tu voir ? Est-ce que tu es plutôt positive, optimiste par rapport à l’avenir de l’éducation française ? Qu’est-ce que tu aurais envie de transmettre ?

Quand je regarde la société actuelle, je vois une hypersexualisation de la société et notamment des jeunes enfants. Il y a une forme d’hypocrisie, on transmet des messages du type « oui, il faut bien te protéger, etc. » et à côté de ça on met en avant des modèles qui ne sont absolument pas féministes.

Or, ce sont ces modèles que l’on va transmettre aux enfants, et c’est là où je ressens une certaine forme de colère.

Pour moi, l’école d’aujourd’hui n’assume plus ce rôle-là. Et en même temps, j’ai envie de dire c’est normal, logique !

Aujourd’hui les professeurs ne sont pas assez payés, on ne met pas assez en valeur leur travail,  ils ne travaillent pas dans des conditions optimales, à partir de là on comprend qu’ils se découragent. On a totalement déconstruit les codes de l’éducation.

Je pense aussi que c’est surtout aux parents de se responsabiliser, de donner des valeurs positives à leurs enfants, de les éduquer, de les protéger, de leur dire « voilà, si tu as envie de faire ça, retiens bien que c’est ton corps, c’est toi qui choisis etc. ». Ce qui serait super ce serait de faire plus de prévention dans les écoles…

Quand je dis tout ça, j’ai conscience de ne pas être un modèle d’éducation, je fais de mon mieux. Je ne suis pas la maman qui va emmener son gamin à l’école Montessori ou qui va faire des jeux toute la journée.

On te rassure, il n’y a pas de mode d’emploi ! [rires]

C’est clair !

Il n’y a pas de mode d’emploi, je ne suis pas toujours en train de m’extasier ou de m’émerveiller devant ma fille, toutefois ce que j’estime important c’est le dialogue, faire en sorte que les enfants restent des enfants, les protéger au maximum de la télé, des réseaux sociaux, d’essayer d’arrêter de vouloir les faire grandir trop vite.

J’aimerai éclaircir un point, par rapport à la justice : ton agresseur a-t-il été jugé, condamné ?

Oui, comme c’était un crime, ça s’est passé aux Assises…

D’ailleurs, ce que je reproche justement à la Justice, c’est qu’elle est à deux vitesses. Souvent, ça met énormément de temps, etc. J’ai eu de la chance, malheureusement pour les victimes actuelles peut-être qu’elles en ont moins, mais dans mon cas ça s’est passé très vite.

Il y a eu les faits, même pas un mois après, le procès a eu lieu. Alors que souvent, ça peut s’étaler sur des années de procédures…

Je vais faire une petite parenthèse, moi, quand ça s’est su, je suis partie à la gendarmerie. Là, je suis arrivée dans une salle très froide, il y avait des murs gris, un caméscope devant moi et on m’a posé des questions, et notamment celle-ci « alors, qu’est-ce qu’il a fait avec son sexe dans ta bouche ? »

Je n’ai rien su dire.

Pour moi c’était traumatisant, j’avais honte, j’étais dans une salle très froide, avec des adultes face à moi. Déjà, je pensais que c’était de ma faute alors… Je me suis effondrée.

Je me suis enfermée ensuite dans un mutisme, et je n’ai plus rien dit.

Heureusement qu’il a avoué, et qu’il y avait des vidéos où l’on voyait clairement tout ce qu’il avait fait, parce que moi je ne pouvais pas dire ces choses-là, à 12 ans, des choses « sales » en fait dont je me sentais coupable. Avec du recul, je me dis qu’il y a vraiment un travail de prise en charge à faire.

Pour revenir au procès, il a duré plus d’une semaine et demie, il y avait des jurés, il y avait des pièces à conviction, j’ai dû m’exprimer à la barre. J’ai juste dit que c’est bon, la page était tournée. En réalité, j’aurai aimé dire « oui, vous vous intéressez à la personne qui m’a fait du mal, mais ma mère aussi m’a laissé aller chez lui, a été très violente, aujourd’hui ma mère me frappe tous les jours et elle me crache dessus parce que moi je suis sale. »

J’aurai voulu dire ça.

L’agresseur l’a dit lui-même au procès, il a dit « oui, mais en même temps sa mère était très violente avec elle ». Je regrette que la justice ne s’en soit pas mêlé, on ne s’est pas posé la question « tiens, mais c’est pas normal qu’une maman laisse son enfant avec un adulte de 54 ans pendant plus de deux ans. » Il venait me chercher à l’école, je suis partie en vacances avec lui, c’est allé très loin.

Bref.

Il a pris 20 ans, et finalement, il n’a fait que 14 ans (pour mon affaire).

J’ai reçu 45 000 euros de dommages et intérêts que je n’ai pas touché, que ma mère m’a encaissé et que ma mère me doit.

J’ai reçu, il y a deux ans et demie, une lettre écrite en anglais, très froide, sur un papier blanc, avec écrit « Votre agresseur a été libéré pour remise de peine ».

C’est-à-dire qu’on met des dispositifs en place pour les agresseurs, on lui a permis de faire sa peine en Norvège, et plus en France, parce qu’il avait de la famille en Norvège et que c’était mieux pour la réinsertion, ok, très bien, et moi on ne m’a pas prévenu, il n’y avait personne pour m’accompagner, pour m’aider, c’est d’ailleurs pour ça que ma mère a touché les dommages et intérêts, et on te dit comme ça : « votre agresseur est libéré ».

Ah oui… Il y a du boulot en France.

Oui !

D’ailleurs, quand on va porter plainte, la prise en charge semble souvent délicate, voire inexistante.

C’est sûr, la prise en charge elle n’est pas là ! C’est vrai qu’ils essaient de créer de plus en plus de formations, de dispositifs pour effectivement leur donner des techniques, quelles questions à poser, comment faire, comment déceler un enfant qui est victime, qui dit vrai, qui dit faux, ils essaient avec les enfants de faire ça avec des poupées, mais bon, c’est toujours glauque ce décor, malaisant.

Ce serait mieux de parler à l’enfant dans son cadre à lui, et pas le faire sortir d’un endroit pour dire des choses très dures. Peut-être lui parler dans un cadre familier, sécurisant, pas dans un cadre austère devant un caméscope placé devant les yeux comme ça où on te dit OK, je vais appuyer sur REC, je vais poser des questions, et tu vas répondre.

Ce qui m’a interpellé aussi, ce sont les mères autour, quand il venait te chercher à l’école : en général il y a toujours plein de mamans, plein de papas, de nounous, etc. Personne ne s’est dit tiens, c’est qui ce mec de 54 ans ? Et même l’école, les intervenants, personne n’est intervenu ?

Je suis entièrement d’accord avec vous, c’est interpellant et c’est pour ça aussi qu’aujourd’hui je suis révoltée parce que non, personne ne s’est posée la question « qu’est-ce que cette gamine fait avec ce vieux monsieur ? »

Parce qu’on était très souvent ensemble, j’étais très souvent dans sa voiture, il m’amenait à l’école, il m’avait acheté des sacs pour l’école, c’est même lui… Parce que m’a mère m’avait abandonné très clairement, un jour je me suis blessée en faisant du roller, je suis rentrée dans une voiture et j’ai eu une double fracture.

Quand je suis allée voir ma mère, elle ne m’a pas cru elle m’a dit non tu n’as rien etc. alors que je souffrais le martyre. Un soir, je suis sortie de chez moi, parce que j’avais peur de ma mère et des répercussions, à 23h30 je suis allée toquée chez ce monsieur-là en demandant s’il te plaît, fais quelque chose, j’ai passé la nuit chez lui, ma mère ne s’est pas inquiétée outre mesure que je découche à 10 ans, et c’est lui qui m’a envoyé à l’hôpital pour une double fracture.

Autre détail : on doit remplir des dossiers à l’hôpital ! Quel est votre rapport avec l’enfant, etc. Je me dis aujourd’hui, pourquoi personne ne s’est intéressé à moi en fait ? Et au-delà de ça, j’avais une hygiène déplorable, j’avais une tête à poux, j’étais harcelée et moquée par tous les enfants parce que j’étais sale, je sentais mauvais… Je n’avais pas d’hygiène, je mettais des vêtements sales, je ne mangeais pas à ma faim, j’étais toute maigre, personne ne s’est posé la question.

Parfois, les gens n’ont pas envie de voir la réalité. Parce que c’est trop dur à affronter, parce que ça demanderait de faire un effort, ils n’ont pas voulu voir ça. Alors que moi j’étais juste, comme disait ma mère, la cassos, la source de problèmes.

Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et qui ne l’était pas à l’époque, c’est fou aussi de voir qu’aujourd’hui tu es pleine de vie, tu es courageuse, on est admiratives !

Oui il y a vraiment eu une transition et heureusement !

Ce que je me demande, c’est s’il a dû peut-être se faire passer pour ton tuteur, raconter des histoires sur ta famille, se faire passer encore une fois pour ton sauveur auprès de toutes ces personnes qui ne sont pas intervenues ?

Même pas !

Parce que personne ne lui parlait en fait. Ma mère a fait un mot dans mon carnet pour dire que ce monsieur-là pouvait venir me chercher mais personne ne lui parlait. On me voyait avec lui tout le temps, mais rien. Et puis c’est vrai qu’il y avait aussi la barrière de la langue. Mais personne ne s’est intéressé, personne ne s’est dit qu’est-ce qu’il est pour elle ? Qu’est-ce qu’il représente ?

Je vois… On arrive à la fin de nos questions, est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?

J’aimerais bien oui.

On parle beaucoup des victimes, et c’est très bien, il faut en parler. Mais j’ai l’impression qu’il y a une forme d’hypocrisie dans le sens où on parle des actes sexuels mais on parle pas assez des agresseurs.

Il est l’heure d’accepter que dans nos sociétés : ÇA EXISTE.

Ils sont là. Ce serait bien de faire des campagnes de sensibilitation contre la pédophilie, mettre plus en avant l’accès aux soins, et la prévention pour les personnes qui ont ces envies de commettre ces actes-là.

Il y a eu le dispositif STOP qui a été mis en place, avec un lancement de campagne téléphonique officiel d’orientation et de prévention des personnes pédophiles qui a été fait par Adrien Taquet, le Secrétaire d’État chargé à l’espace des enfants et des familles, ce serait bien qu’on mette ça en place de plus en plus. À la base ils se sont inspirés du modèle allemand, il y a beaucoup de personnes qui appellent, c’est très bien parce que ça existe, OK c’est là.

On parle des violences conjugales, des maris qui battent leur femme, on a mis des dispositifs pour eux, on en parle plus librement, il y a eu des campagnes publicitaires et digitales, etc.

Je pense qu’il faut multiplier ces dispositifs, que les enfants sachent que ça existe, qu’est-ce que c’est, que ce soit plus mis en avant et qu’ils sachent aussi ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire dans ces cas-là.

Il faut arrêter tout ce mysticisme autour du pédophile, ce n’est pas un monstre qui n’existe pas, c’est dans notre société, il y en a énormément, il faut les voir, il faut enlever le voile posé sur la pédophilie, on doit faire de la prévention, on ne peut pas s’occuper que des victimes.

Il faut aussi s’occuper des agresseurs, de mettre des choses en place, de faire de la prévention là-dessus.

C’est très intéressant ce que tu dis, tout à l’heure d’ailleurs tu parlais d’hypersexualisation de la société, beaucoup de gens justement n’ouvrent pas les yeux sur le fait que l’on construit des monstres.

Je suis totalement d’accord avec toi, d’ailleurs Adèle Haenel lors de son intervention chez Médiapart l’avait dit je crois pour la première fois, les agresseurs ne sont pas des montres, ils existent dans la vraie vie, dans nos cercles familiaux, proches, et la prévention est essentielle.

Tout à fait, ce serait bien aussi de décrire clairement ce qu’est la pédophilie, ce n’est pas une maladie, c’est la conséquence d’un traumatisme dans l’enfance.

On appelle ça le surmoi et le moi. Dans les premières années de l’enfant, l’enfant va réagir uniquement à ses pulsions. Il a envie de faire quelque chose, il va le faire, il va pas se poser la question du surmoi, qui va filtrer, permettre qu’il intègre ce qu’il faut faire ou ne pas faire.

La personne qui éprouve une attirance pour les enfants n’a pas eu ce filtre-là, il y a eu un dérèglement dans son enfance, ce qui fait que lui, il va répondre à ses pulsions primaires et pour les réprimander ça va être énormément de souffrances pour eux. Ils n’ont pas cette notion-là, ces limites nécessaires. Ils savent que ce qu’ils font est mal, mais le dérèglement est survenu dans leur enfance.

Il faut savoir expliquer ça, donner la définition claire et concrète, prévenir nos enfants, et arrêter de mettre des modèles de jeunes filles… Je pense à un clip, notamment le clip de Britney Spears, Baby one more time, la nana elle est en mini-jupe avec un décolleté avec des paroles très suggestives, et pourtant elle était très jeune.

Aux États-Unis en effet, cette hypersexualisation est ultra présente, et vu que tout ce qui est américain inspire un maximum de pays occidentaux…

Ton exemple me fait penser aussi à la série Stranger Things, l’actrice principale, qui est très jeune, se retrouve dans tous les magazines, à la télé, on dirait presqu’une femme de 25 ans alors que c’est une jeune fille de 13 ou 14 ans.

Bien sûr ! Et d’ailleurs j’ai vu qu’elle apparaissait dans le classement des femmes les plus sexy. Allô, ce n’est pas une femme. Elle est mineure. C’est une enfant.

Je pense aussi au film Léon avec Natalie Portman, elle aussi a été hypersexualisée…

On met ces exemples sur le devant de la scène parce qu’il y a une forme d’innocence qui fait fantasmer. Faut arrêter ça…

Bon après la pédophilie, c’est pas né d’hier, ça existe depuis la nuit des temps, il y a eu des tas d’orgies romaines avec des enfants, c’est quelque chose qui est inhérent à l’Homme malheureusement, mais il faut arrêter de nourrir ces pulsions-là.

Par exemple, je pense à Léa Elui, une française sur TikTok qui fait des danses très sexy et qui a des millions d’abonnés, le problème, c’est que ce sont des gamines de 13 ans qui la regardent.

Le truc c’est que quand tu la vois déjà, tu ne vois pas un pèt’ de poil qui dépasse, tout est parfait etc. donc les filles qui regardent on va se dire pourquoi moi je suis pas comme ça etc. et en plus de ça, ça envoie une image faussée de la réalité, une image très sexualisée, le corps est objectisé.

En parlant d’âge, que penses-tu du débat récent sur l’âge légal de consentement ?

En effet le nouveau seuil de consentement répond à plusieurs affaires qui ont choqué, le fait de passer de 13 ans à 15 ans je trouve ça très important, cependant là où ça ne rentre pas en considération c’est lorsque c’est un adulte de 15 ans avec une personne beaucoup plus ÂGÉE que lui et qui n’a pas forcément d’ascendant sur lui…

Est-ce que l’on qualifie ça comme une atteinte sexuelle ou un viol ?

J’ai du mal aussi avec le fait de différencier une atteinte sexuelle d’une agression sexuelle et d’un viol alors que dans tous les cas la personne a été violée dans son intimité donc ce qui me pose le plus de problème c’est la hiérarchie des violences.

Les lois ne sont pas adaptées à chaque type de situation.

Merci pour ton témoignage Syrine !

Merci à vous les filles, j’ai été ravie de pouvoir m’exprimer.

La question de la fin ! On s’apprête à lancer nos podcasts… Est-ce que ça t’intéresse ?

Oui à fond !

Alors à bientôt pour un podcast 😉

« Mise à Mâle » : le podcast qui fait du bien

« Mise à Mâle » c’est un apéro enregistré né sous le signe d’une bromance, celle de Théo et Flo. Un lundi sur deux, ils secouent les clichés et les préjugés. Avec sincérité et humour, ils s’interrogent sur la manière de déconstruire les masculinités. Accompagnés de leurs invité.e.s, ils échangent leurs expériences et partagent leurs points de vue sur les enjeux relationnels. On s’immisce avec délice dans les coulisses d’un apéro entre mecs. Rencontre.

Comment est né « Mise à Mâle » ?

Flo : Le projet est né de trois constats. Le premier, qui est personnel, c’est qu’en 2018 on sortait beaucoup. On avait tendance, entre potes après une soirée, à s’envoyer des vocaux de débriefs. De trucs qui se sont bien passés, moins bien passés. C’est très émotionnel : « Ouais j’ai trop kiffé, j’ai rencontré cette meuf ». Ou alors : « J’ai pas osé y aller, je me suis pris un gros scud, je me sens pas bien dans ma vie », des trucs assez perso.  J’envoyais ces vocaux sur un groupe de potes et un soir, un ami rentrait chez une nana qu’il ne connaissait pas, il venait de la rencontrer. Il a écouté nos vocaux de toute la soirée avec la meuf le lendemain matin et elle a dit: « Mais vous vous prenez vachement la tête les mecs en fait ». 

Pour moi c’était évident qu’en 2018, les hommes parlent entre eux et que c’est pas que des discussions de vestiaires où les hommes racontent quelles positions ils ont fait la veille. Et ça, c’est un imaginaire qu’ont les femmes en général sur les hommes, mais aussi des hommes qui pensent que c’est comme ça qu’ils doivent se comporter entre eux. Le premier constat c’est de se dire qu’il faut arrêter de jouer un rôle parce que ça ne sert à personne de faire semblant, d’être hyper viril, dans le contrôle.

Le deuxième constat c’est que des podcasts féministes existaient, « Les Couilles sur la table » est vraiment l’exemple majeur pour nous. Mais c’était souvent des podcasts faits par des femmes, ce qui est pas grave. C’est juste que si les hommes ne parlent pas, il y aura toujours un déséquilibre. Il faut qu’on arrive nous aussi à prendre la parole sur des sujets, sans faire du mansplaining.

Le troisième ingrédient, c’est qu’on ne voulait pas qu’il y ait une bibliographie de trois pages à la fin. On se renseigne comme des hommes lambdas. On a voulu garder cette candeur de se parler comme à un apéro, en se déconstruisant, sans donner la morale. De parler à des gens lambdas et voir où ça nous mène. C’est pour ça qu’on boit un coup pendant le podcast, c’est pour se dire qu’on n’a pas besoin de se prendre la tête pour évoluer.

On est hyper complémentaires Théo et moi parce que moi j’ai eu pas mal d’expériences. Théo sortait d’une relation de 5 ans et demi avec sa première meuf. Sur le spectre, on avait les deux extrêmes. C’était cohérent de parler de ces sujets et d’avoir des points de vue très différents et voir comment on se rejoignait au milieu.

Théo : On avait déjà des exemples de mecs autour de nous qui étaient un peu plus bourrus, ou moins ouverts aux questions du féminisme mais qui auraient pu être convaincus et auraient pu changer leurs comportements. Mais naturellement, ils se seraient braqués s’ils avaient écouté un podcast présenté par une femme qui prétend parler au nom des hommes. De la même façon qu’on écoute un podcast féministe présenté par un homme, il y aura des femmes qui auront des réticences et c’est normal aussi. Ces gens-là, on ne voulait pas les laisser de côté. Le but étant d’être bienveillants et que tout le monde puisse écouter des points de vue d’hommes. On n’a pas la prétention d’avoir un savoir omniscient. On est là pour témoigner.

La bienveillance entre potes a beaucoup marqué les origines du podcast. Il y a des choses qu’on osait aborder en fin de soirée, après trois ou quatre verres, parce que ça désinhibe. C’est là qu’on s’est rendu compte qu’on mettait des sujets sur la table qui nous touchaient, en pensant que c’était juste nos problèmes. On a pris conscience que c’était le cas des autres aussi.

Pourquoi ce titre ?

Flo : Au départ, ça devait s’appeler « Des mecs qui se prennent la tête ». On voulait montrer que c’est pas l’apanage féminin que de se poser des questions sur ses sentiments.

Théo : Finalement on a préféré un petit jeu de mots. Mais l’idée est toujours la même en fait. On est parti de ce qu’on voulait faire dans ce podcast, à savoir casser des stéréotypes et préjugés.

Dans « Mise à Mâle », il y a l’idée de casser des choses, de secouer un peu. Et surtout, il y a le fait de ne pas avoir peur de se mettre en danger, de se dévoiler, d’être dans un état de vulnérabilité. Ce qui est un peu le but du podcast aussi et ce qui rejoint le côté témoignage où on est témoins d’une progression.

On n’est pas parti du podcast en se disant qu’on avait des meilleures opinions que les autres sur le sujet de la masculinité ou du féminisme. On est parti du podcast en se disant qu’on était juste deux mecs complètement lambdas. Comme les mecs lambdas on a des choses à dire, c’est peut-être vrai ou faux mais c’est toujours authentique et il y a des apprentissages à en tirer.

Dans « Mise à Mâle », il y a la fragilité aussi. Et le « mâle » qui fait référence au mâle alpha qui est le cliché numéro 1 à déconstruire.

Il était important d’enrichir le point de vue féministe en prenant en compte le point de vue des hommes. Il y a beaucoup de combats, des mecs qui seraient contre le féminisme, alors que c’est juste le même combat, on a tous à y gagner. Cela peut beaucoup faire avancer le débat d’aborder le féminisme sous le prisme de la masculinité.

Flo : Le fait de ne pas être contre quelque chose, même si on a envie que ça avance, on veut juste s’éprouver. Il nous arrive à la fin d’une discussion d’avoir fait le tour et de revenir au point de départ mais le seul fait de s’être posé la question, ça a tout changé. Mon rapport au sport ou mon rapport aux femmes par exemple, il y a des choses que je retrouve d’il y a cinq ans, sauf qu’aujourd’hui je fais les choses consciemment. Et c’est déjà ça le début de la déconstruction :  ne pas changer du tout au tout, mais savoir pourquoi tu fais les choses, quelles structures pèsent sur toi et faire un choix délibéré après.

Vous avez une audience plutôt féminine ou masculine ?

Flo : Aujourd’hui, sur le podcast, on est à 55% femmes, 45% hommes. Sur Instagram, plus de femmes nous suivent (65% de femmes). On a été assez surpris car au début on voulait parler aux hommes, on voulait les encourager à parler de ces sujets là, leur montrer que ça n’en fait pas des « moins hommes ». Sur Instagram, les hommes sont plus pudiques. Au début, notre auditoire était exclusivement féminin, on s’est rendu compte que les femmes étaient bien plus curieuses. Il y a aussi la promesse de dévoiler ce qu’il se passe dans les coulisses d’un apéro masculin. Les hommes étaient dans le rejet à l’idée d’écouter cette discussion.

Théo : Les mecs qui nous contactent sur Instagram, on sent que ça les a soulagés d’entendre un témoignage proche du leur, là où les filles nous envoient plus des messages de soutien. Je pense qu’avec les femmes, et c’est à mettre à mal, il y a l’idée qu’elles sont habituées à avoir des discussions sur les émotions, les sentiments, à se montrer vulnérables, fragiles.

Je pense que naturellement, l’auditoire féminin n’a pas hésité à nous suivre, là où les mecs étaient plus sur la réserve. Mais on a eu beaucoup de témoignages de filles qui recommandent le podcast à des mecs (potes, amants). C’est encore plus beau comme cheminement. On voulait viser directement les mecs en parlant de féminisme et on finit par toucher les mecs à travers les femmes qui se reconnaissent et aiment ce qu’on dit.

Flo : C’est très beau, mais moi je serai en kif total le jour où ce sera un mec qui recommande « Mise à Mâle » à une meuf !

Au-delà du genre, vous invitez au dialogue ?

Flo : Exactement. C’est pour ça que notre podcast ne se veut pas spécialement genré. Au début on voulait d’abord viser les hommes. Aujourd’hui peu importe, il faut juste qu’on parle en fait. Il y a même des sujets qui n’ont rien avoir avec la masculinité spécialement mais on se dit que c’est bien d’en parler parce que les gens sont crispés sur pleins de trucs.

Théo : C’est souvent notre conclusion : il faut se dire les choses. Ce qui est important c’est de le témoigner. La masculinité c’est plus par simplification de l’audience. Très souvent, ça touche tout le monde. En général, les sujets sont déjà un peu plus entamés du côté des femmes par d’autres podcasts ou d’autres médias. C’est pas tant que les sujets sont différents des hommes aux femmes, ce sont les mêmes sujets mais il y a souvent un temps de retard avec les hommes qui ont du mal à prendre conscience de ces choses-là.

Comment choisissez-vous vos sujets et vos invité.e.s ?

Théo : Les sujets naissent spontanément dans nos échanges, soit en soirée, soit en discutant. Ça vient très souvent de nous, des fois de suggestions. Très souvent, ce sont des vraies questions qu’on se pose, soit moi avec un pote ou Flo avec un pote, et on regroupe les discussions.

Pour les invité.e.s, autant que faire se peut (je suis très fier d’avoir placé cette expression), on essaye de privilégier des gens qu’on connait, avec qui on a une bonne affinité. Il y a aussi des personnes très extérieures mais parce qu’elles sont pertinentes sur la question.

Le deuxième filtre c’est de confronter les points de vue donc faire un podcast sur les hommes mais inviter des femmes, aborder un sujet qui touche les homos et les hétéros et inviter une personne homo ou bi. Essayer de mélanger au maximum les points de vue. Par exemple, sur un sujet comme le couple, essayer de mettre quelqu’un qui a été en relation longue et quelqu’un qui n’a jamais été en relation tout court.

Flo : En première saison, c’était nos potes, là, on essaye de s’ouvrir un peu. On crée ce moment d’apéro pour montrer ce qu’il se passe quand on ne se connait pas car il y a une forme de pudeur et de politesse. J’ai une envie pour la saison 3 ou la saison 4, c’est d’inviter des gens, non seulement qu’on ne connait pas, mais en plus qui ne sont pas d’accord avec nous. Parce qu’on est dans des bulles en fait.

Le but c’est d’inviter des gens comme mon plombier par exemple. Il est venu l’autre jour et m’a lancé : « Un podcast sur les masculinités ? Ah tant mieux parce que franchement, il y en a marre des femmes hystériques ! » Il a compris « masculinité » au sens masculiniste. J’étais fasciné. Le but c’est d’inviter ce genre de mecs. Mais c’est difficile à gérer parce qu’on ne veut pas que ça fasse un dîner de cons, où nous on est là à déconstruire, et lui dire qu’il a rien compris de la vie. Car ce mec, il a le droit de penser comme il pense. Il y a plein de raisons qui font qu’il pense ça. Et j’ai moi aussi des choses à apprendre de cet homme.

Comment sensibiliser des hommes qui seraient moins déconstruits ?

Flo : On a tous les deux bac +5, moi j’ai fait des études de sciences politiques donc à chaque fois je pense en termes de structuralisme. Mais on essaye de ne pas exclure, et en même temps l’objet fait que c’est excluant. Il faut assumer déjà qu’on a des réflexes de vieux cons. On essaye de le faire à l’antenne parce qu’on ne veut pas excuser ces attitudes mais en même temps il faut partir de là.

Théo : Parler à des mecs qui se braquent si on parle de masculinité à travers la voix d’une femme, c’est typiquement ce genre de public qu’on aimerait viser. Si on réussit à faire changer d’avis un mec sur ça, ce serait gagné. On ne veut pas nier nos failles parce que c’est elles qui nous permettent de mettre le doigt sur des sujets intéressants, mais en même temps il ne faut pas légitimer les failles.

Diriez-vous que ce podcast vous aide dans vos relations sentimentales ?

Théo : Il y a autant de fois que ça nous aide que ça nous met des bâtons dans les roues. Il y a plein de fois où ça m’aide dans mes rapports. Quand je parle à une meuf, si j’aborde le podcast et que je montre que je n’ai pas de mauvaises intentions, ça facilite beaucoup la parole. Je me suis fait beaucoup d’amies comme ça parce qu’il y a le podcast en arrière-plan, c’est comme un tampon, genre « allié ».

Mais dans les relations avec des partenaires ça peut être compliqué. J’ai cette politique avec ma meuf, de ne pas lui faire écouter le podcast parce que ce que je dis c’est très personnel et ce serait déséquilibrer le rapport parce qu’elle saurait tout de ma vie. Le fait qu’elle n’ait pas le droit de l’écouter mais qu’elle sache que je le fais peut être source de tensions.

On serait moins naturels dans le podcast si on savait que les meufs qu’on fréquente écoutent le podcast. C’est séparer la personnalité publique du privé. Dans le podcast on se lâche, c’est un exutoire, et la condition à cela c’est que ce soit hermétique.

Donc, c’est assez partagé, ça me fait avancer sur des choses très positives et d’autres où c’est quand même plus compliqué.

Flo : Pour moi je pense que c’est un peu l’expérimentation comme j’ai fait des études de sciences politiques, il y avait déjà la théorie de déstructurer. Cela me permet de mettre en pratique, de prendre la théorie de la science politique pour l’appliquer à ma vie et revenir après à quelque chose de plus global sur « qu’est-ce-que ça veut dire la masculinité ? », revenir à un truc plus sociologique.

Là où ça m’aide, c’est que c’est une hygiène, de toutes les deux semaines se poser des questions. Ça devient un réflexe maintenant dans une discussion. En intime, si j’ai décidé d’arrêter la saison 1 c’est que j’ai eu des gros problèmes relationnels parce qu’une meuf avec qui j’étais écoutait le podcast et n’assumait pas du tout.

J’adore faire ce projet, j’en parle beaucoup. Mais un des deals que j’ai, c’est de dire aux filles que je fréquente que je ne préfère pas qu’elles écoutent. Il y aurait un déséquilibre si l’une entendait des trucs sur des sujets qu’on n’aurait pas encore abordés tous les deux. Ce serait déséquilibré car elle saurait ce que je pense de tel sujet, et à l’inverse moi je ne saurai pas, c’est malsain.

Ce que vous exprimez au micro peut figer votre pensée…

Théo : Parfois, on enregistre un épisode et on est d’accord, et en le réécoutant deux semaines après, un an après, ça a complètement changé. Il y a l’idée de faire une capsule temporelle de qui on était à un instant T et de constater qu’on n’est plus forcément d’accord avec ce qu’on avait pu dire à ce moment-là. Il y a un décalage temporel.

Flo : Et pourtant on veut laisser une marque, c’est pour ça qu’on veut garder un certain anonymat. Si on veut pouvoir continuer à assumer nos points de vue, il ne faut pas qu’on associe notre point de vue à notre personne. Il y a une différence entre ce qu’on expose publiquement et qui on est vraiment.

Est-ce thérapeutique ?

Théo : Pour moi oui. Rien que le fait de se mettre devant un micro toutes les deux semaines, et de se forcer à s’interroger, ça aide énormément. Pouvoir cheminer, se remémorer des choses, confronter les points de vue aussi. Une expérience que j’ai vécue, je la revis quand j’en parle à Flo, et lui avec son interprétation me fait revivre la même scène mais d’un point de vue un peu extérieur et j’en ai un éclairage différent. C’est très thérapeutique. Quand on dit « apéro entre potes », moi je pense psychologie de comptoir un peu, et même si c’est censé être péjoratif, dans ce cas-là ça ne l’est pas forcément. On se met autour d’une table, on boit un verre et on va parler de choses sincères.

Flo : C’est le but. Moi dans tout ce que j’essaye de faire, il y a une portée thérapeutique derrière. J’essaye de prendre des sujets sur lesquels j’ai un peu de recul donc il n’y a pas de déblocage mais le simple fait de m’exposer, d’échanger avec les auditeurs, c’est thérapeutique.

Et l’alcool justement ?

Flo : On a vraiment envie de se retrouver, de passer un bon moment. Il y a aussi une mise en scène. La promesse c’est que les langues se délient. Le podcast est né d’une situation particulière où on boit et on a voulu recréer ces conditions. Mais ce n’est pas indispensable, des fois on n’a pas envie de boire et ça fait de très bons épisodes. Notre but c’est de créer cette ambiance de partage et où, au bout d’un moment, tout le monde est assez libre de s’exprimer. On ne veut pas donner l’impression qu’il faut être bourré pour parler de ces sujets.

Théo : Ce n’est pas indispensable mais ça apporte un petit plus. Ça crée un cadre bienveillant, au-delà de l’aspect désinhibant. Le but du podcast tel qu’on l’amène à un.e invité.e c’est de dire d’abord on va boire un verre, puis on va aborder tel sujet. C’est aussi pour mettre à l’aise l’invité.e qui ne va pas se dire qu’il/elle est sur le divan d’un psy mais chez un pote à boire une bière.

Quels conseils pour se lancer dans le podcast ?

Théo : Se lancer déjà. Il faut le faire et voir après. Fais-le pour toi et pas pour avoir un public. Si tu le fais c’est que tu as besoin de t’exprimer. C’est la même mécanique que si tu écris sur un journal intime ou un roman. Débarrasse-toi de tout ça, mets-le quelque part. Si ça intéresse les gens tant mieux mais c’est que du bonus.

Flo : Ne pas le faire pour le faire. Si quelque chose te meut vraiment, pars de là et après fais en ce que tu veux, un livre, une chaine Youtube, ou autre. Ce que les gens captent ce n’est pas tant ce que tu fais mais qui tu es. Il faut que ce soit hyper sincère dans ta démarche. Si ça déborde en toi, il faut que tu le partages. Identifier quel est le truc qui te passionne. Et après, ne pas attendre que ce soit parfait. Il faut que ça t’anime toi et après le public viendra, et au pire, si ça t’anime vraiment, tu t’en fiches d’avoir du public.

Un cocktail des plus savoureux, à déguster un lundi sur deux ici 🍷

Applis de rencontre, entre exaltation et désenchantement

Les temps sont durs pour les célibataires en ce moment. Comment rencontrer des gens alors que tous les lieux de socialisation sont fermés ? Les applis de rencontre voient leur nombre d’utilisateur.rice.s augmenter depuis la crise sanitaire. Voici nos conseils pour vivre cette expérience en toute sécurité et sérénité.

Méfiez-vous des apparences

La première chose qui capte l’attention sur une appli de rencontre est l’apparence physique. Vous êtes plutôt attiré.e.s par les petit.e.s brun.e.s ou les grand.e.s blond.e.s aux yeux bleux ? Très bien, c’est un critère à prendre en compte. Cependant, on peut être surpris lors du premier date : les photos mises en avant par votre crush datent peut-être d’il y a 10 ans, et la personne sur laquelle vous aviez fantasmé ne ressemble peut-être plus du tout à cela.

Un conseil pour votre profil : Sélectionnez des photos qui reflètent votre personnalité et qui soient récentes. Si vous êtes un.e rigolo.te, n’optez peut-être pas pour la photo Poker Face.

Pour autant, ce critère premier de l’apparence physique entraîne des jugements (mélioratifs, ou péjoratifs), des complexes.

D’autres critères peuvent vous aider à trouver l’élu.e qui accompagnera votre vie/nuit. Si vous êtes politisé.e, vous pouvez « filtrer » les profils en sélectionnant les personnes avec qui vous aurez une affinité sur le plan politique. Il en va de même pour les centres d’intérêt. Vous pouvez choisir une appli un peu spécialisée si vous avez des intérêts bien ciblés.

La description de votre potentiel crush est une donnée importante : elle résume en quelques mots la personnalité, les centres d’intérêt. Cette bio permet bien souvent d’interpeller votre interlocuteur. Vous en apprenez un peu plus sur la personne, vous évaluez sa maîtrise de la langue française (bocou ne save pa ékrir), c’est un élément qui peut lancer la discussion.

Tout le monde ne prend pas la peine d’écrire une bio, et en effet comment se « définir » en quelques mots ? Si c’est le cas, vous pouvez rebondir sur des éléments visibles sur les photos par exemple. Si le crush lit un livre, joue de la guitare ou mixe à une soirée, c’est autant de facteurs qui peuvent vous aider à passer le pas de la discussion et de témoigner votre intérêt.

Sur certaines applis, on peut renseigner la ville où l’on réside. Ce détail a son importance si vous matchez avec quelqu’un qui vit à l’autre bout de la France… Là encore, pas de règle, cela peut être une charmante occasion de découvrir de nouvelles contrées lors d’un prochain voyage !

En bref, les éléments du profil suggèrent à qui vous avez à faire, mais ça ne dit pas tout de la personne, et heureusement !

Le premier date, l’épreuve de réalité

Vient le moment du rendez-vous avec votre crush, c’est là que tout se joue (ou pas). Si les petits éléments que vous avez décelé à travers le profil, les photos et les échanges avec votre crush vous ont donné envie de le/la rencontrer, c’est là que vous pouvez savoir s’il y a effectivement un bon feeling.

Petit tips : Pour éviter de fantasmer des semaines sur un.e inconnu.e, il est préférable d’organiser une rencontre assez rapidement. Pour les plus stressé.e.s, vous pouvez suggérer à votre crush un premier contact par appel téléphonique ou en visio.

La rencontre c’est l’expérience de la sensorialité, c’est elle qui va dévoiler tout ce que les photos ne montrent pas : la voix, la gestuelle, la démarche, l’odeur.

Le lieu du premier date peut se révéler déterminant. Si votre crush vous donne rdv au cimetière du Père-Lachaise, il y a des chances pour qu’il soit un peu déprimé… À défaut de boire un verre ou de se faire une toile, c’est le moment de proposer un date original.

N’oubliez pas que la personne que vous rencontrez est un.e inconnu.e. Aussi choisissez un point de rencontre dans un lieu public sûr. Vous pouvez donner l’adresse du date à un proche si cela vous rassure.

Ne misez pas tout sur le premier rendez-vous, c’est avant tout un premier contact. Inutile de stresser avant le rendez-vous. Au pire la rencontre est bizarre et vous aurez des choses à raconter aux copines/copains, au mieux (et c’est la majorité des cas), vous passez un bon moment avec quelqu’un d’intéressant.

Consumérisme et désenchantement

Lorsqu’on débute sur les applis de rencontre, on est friands et curieux, on swipe les profils de manière frénétique. Non seulement l’ego est renforcé, on retrouve une certaine estime de soi, mais on en veut encore et toujours plus. Le risque c’est l’effet addictif. Ces applis sont d’ailleurs conçues pour sécréter la dopamine, molécule qui influence le plaisir, la motivation et l’addiction.

Il y a bel et et bien une logique de consommation dans la pratique de ces applications. On fait défiler des profils comme on ferait notre shopping sur un site marchand. Chacun cherche à « vendre » le meilleur de soi-même, en mettant en avant des « critères » attractifs. Inconsciemment, on en vient à catégoriser les profils si bien que les sujets qu’il y a derrière chacun d’eux se voient interchangeables. Sur des sites comme AdopteUnMec, on met les profils dans son panier, c’est pour dire !

Un match a d’ailleurs une limite de validité, sur Bumble par exemple le match expire au bout de 24h, prolongeable une fois. Il y a une logique de « offre à saisir dès maintenant » qui peut en faire reculer plus d’un.

Cette course contre la montre se retrouve dans la vraie rencontre par la suite : on veut définir vite la relation, savoir ce que l’autre « cherche », on zappe d’une personne à une autre. On prend, on jette quand l’Autre ne correspond plus à nos « attentes ». Consciemment ou non, on cherche à ne pas perdre son temps. Ce rapport au temps est lié à une logique de concurrence car les abonné.e.s sont si nombreux que cela rassure, il n’y a pas la peur du manque et de la solitude. Après quelques clics, on sait qu’on pourra toujours rencontrer quelqu’un d’autre. Cela fait abstraction des sentiments, et c’est regrettable.

La déshumanisation que cela cause s’observe dans des modes comme le ghosting : lorsque tout à coup, le crush coupe tout contact avec vous (en vous « supprimant » ), ou en faisant le mort. À moins que la personne ait été trop insistante ou n’ait pas respecté votre consentement, ce genre de comportement peut avoir des effets humiliants et blessants. Le virtuel dispense de toute explication et de responsabilité. Pour éviter ce genre de situations, on mise sur des applis progressistes prônant le respect et la bienveillance.

Nota bene : Les applications viennent en aide à ceux qui sont victimes de ghosting ou autres comportements agressifs et violents.

Derrière le virtuel, il y a bien des êtres réels et des sentiments. Il est donc préférable d’adopter une communication honnête, bienveillante et respectueuse avec sa/son potentiel.le partenaire ! Si vous n’envisagez rien de très sérieux, que vous êtes polyamoureux.se ou qu’au contraire vous ne savez pas trop où vous en êtes en ce moment, COMMUNIQUEZ !

À passer trop de temps sur ces réseaux, on peut en venir à un certain désenchantement. Pour les idéalistes de l’Amour et de la Rencontre, ce peut être une expérience fort désagréable. Lorsqu’on aime la spontanéité et les rencontres insolites, les applis de rencontre peuvent nous rebuter quelque peu. On peut se sentir blasé par cet effet de masse et de consumérisme. Pour éviter cela, n’hésitez pas à désactiver les notifications et à limiter votre temps d’activité sur ces applis. Si l’overdose va jusqu’aux personnes que vous rencontrez, c’est le moment de faire une pause ou de limiter vos rendez-vous.

Prenez votre temps, y a pas le feu au lac !

Quand le travail se téléporte

Vous vous souvenez de l’époque où je cherchais activement un emploi en 2020 (et me suis retrouvée à refuser un poste) ? Ça y est, cette sombre époque est enfin derrière moi : depuis janvier 2021, je suis responsable éditoriale au sein d’une entreprise internationale spécialisée dans les comparateurs, en « FULL REMOTE », autrement dit : en télétravail à plein temps. Vous me direz, si j’ai trouvé du travail, pourquoi revenir sur le sujet et raconter ma vie dans cet article ? Parce qu’en télé-travail il y a plein de choses à comprendre, et quelques petits pièges à éviter… Et notamment le surmenage. Bien accrochés ? C’est parti.

Première impression : le télétravail, c’est le pied !

En 2020, j’étais libérée, délivrée, et surtout… diplômée.

Master 2 de communication digitale en poche (après maintes études de Lettres et de Philosophie en Hypokhâgne, Khâgne, à la Sorbonne, à Paris VII, ainsi que de communication au CFPJ), j’étais sur le qui-vive.

Non, je n’attendais pas à ce qu’une entreprise vienne joyeusement sonner à ma porte, si c’était le cas dans les années 70 d’après mes parents et leur entourage, tout le monde sait qu’en 2020-2021, mieux vaut remuer ciel et terre pour gagner sa vie. Je me suis donc transformée en Sydney Fox à la recherche, non pas de trésor perdu mais d’un réel grâal contemporain : le CDI.

Après avoir dépensé quelque somme non négligeable dans l’achat d’un tailleur propre et cohérent avec la réputation du secteur visé, pris des cafés à 00H00 pour me forcer à candidater jusqu’au bout de la nuit (ce que je ne vous recommande guère), j’ai finalement pris le temps d’écouter mes désirs et réalisé que ce que j’avais envie de faire, j’avais envie de le faire pour moi : en bref, devenir indépendante.

Je me suis donc mise à chercher par monts et par vaux des missions Freelance, un terme anglosaxon servant à désigner un aspect essentiel, travailler à son compte. Après avoir fait en sorte d’attirer le plus de recruteurs sur mon profil LinkedIn, j’ai été rapidement contactée par le directeur d’un magazine français reconnu par la communauté digitale. Je me lançais alors dans la rédaction web, le cœur léger !

J’adore écrire, on apprécie ma plume, c’est un beau compromis professionnel et je suis enfin soulagée d’avoir trouvé mon bonheur.

Réalité : l’incroyable monde des impôts

Le « CAPTAIN OBVIOUS » a encore frappé. Si j’enfonce des portes ouvertes, c’est parce que vous allez voir dans ce qui va suivre que le télétravail, c’est génial, mais ça demande un bol de détermination et une cuillère à soupe d’organisation.

En effet, même si j’adore ce fameux magazine parce qu’il m’avait ouvert le champ des possibles en premier, côté finances, ce n’était pas la même histoire. C’était déjà plus intéressant que des allocations pôle emploi, mais quand on est freelance, il y a un petit détail qui n’échappe à personne : le merveilleux monde des impôts et des cotisations URSSAF.

Celui-ci me réveillait la nuit, m’appelant dans mon sommeil, se faisant passer pour un diable accueillant : « viens Elvire, donne-moi de quoi me sustenter ! »

[Oui, j’ai omis de vous préciser qu’être indépendante, c’est aussi passer par la case impôts, les charges et cotisations, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux salariés renoncent devant la porte d’entrée de l’univers freelance. Ce n’est pas un fatras administratif et financier insurmontable, loin de là, mais ça demande un peu d’énergie.]

Travailler, c’est bien… Gagner sa vie, c’est mieux

J’ai donc redoublé d’efforts – bien que les derniers en date aient bel et bien payé puisque l’un de mes articles au sein du magazine avait été repris sur le compte LinkedIn d’un éminent directeur de communication d’un grand groupe – et me suis mise en quête de nouvelles missions rédactionnelles.

Mon corps se changea soudainement en poulpe assoiffé de thune, mes bras, mes jambes, ma tête, mes mains, mon cœur, tout mon être était accaparé à l’idée de subvenir à mes besoins. Même les courtiers de Zola auraient été impressionné. Et mon futur album ? Et le clip que j’ai envie de réaliser ? Et la visibilité des femmes nécessaire au bon déroulement d’une société idéalement non patriarcale et pacifiste ? Le magazine que j’ai envie de faire grandir ? Mon futur voyage au Costa Rica…

Dans ma famille, on m’a souvent dit : l’argent n’est qu’un moyen pour accomplir ses rêves. Ce à quoi ma mère complétait souvent par : « bien sûr, ce n’est pas le seul moyen. Le culot aussi, ça marche bien. Sois culottée ma chérie. »

En ce sens, je ne mettais aucune limite particulière, j’appelais directement des recruteurs et rédacteurs en chef, même si aucune annonce n’était postée. je jetais des bouteilles à la mer dans l’attente d’être comblée et de voir le monstre fiscal de mes insomnies disparaître dans les nimbes de mon compte en banque.

J’abrège : deux nouvelles me tombèrent dessus simultanément, l’une venait d’un cabinet d’expert-comptable, on me demandait de rédiger des articles économiques – j’avais déjà pris l’habitude chez le courtier pour lequel j’avais travaillé en alternance en dernière année – l’autre venait de l’entreprise internationale dont je vous ai déjà parlé en introduction.

Cette dernière m’invitait non seulement à rédiger pour un site assez connu spécialisé en literie, et souhaitait également me voir reprendre les rênes éditoriales de leurs trois sites emblématiques.

En d’autres termes, j’allais pouvoir réaliser des missions de marketing, complétées par des missions de management et d’édition de CMS. J’osais à peine rêver mieux, rien de tel qu’une entreprise à vocation internationale ne serait-ce que pour apprendre à parler anglais, espagnol ou encore allemand, autrement dit développer mes compétences.

Avec ces trois entreprises complètement différentes, j’avais enfin l’esprit tranquille côté finances. L’objectif était atteint.

Cela dit, certains obstacles se sont mis en travers de mon chemin, des pièges que j’aurai pu facilement éviter si l’on m’avait bien expliqué à quoi ressemble le télétravail en 2021. Je vais donc vous donner quelques conseils pour…

Conseils pour télétravailler en liberté

1. Prenez le temps de bien vous organiser

Quand on se lance en freelance, on a tendance à ne voir d’abord que les aspects positifs, mais comme dirait mon père : « veille à bien t’organiser ».

S’organiser quand on est freelance

Si vous êtes déjà inscrits à l’URSSAF, si vous avez bien un numéro de Siret et un code APE, la seule chose qui reste à faire, c’est de vous lancer, et de bien vous organiser.

S’organiser, ça veut tout et rien dire, on est d’accord. Pour faire simple, je vous recommande de créer un dossier intitulé Freelance, dans lesquels vous allez insérer plusieurs sous-dossiers, pour bien séparer vos clients si vous en avez plusieurs. Je vous conseille notamment d’avoir un document Excel, pour inscrire votre comptabilité au fil des mois, et ne pas omettre une partie de votre chiffre d’affaires.

Côté travail, vous allez probablement devenir adepte des to-do !

Travailler en freelance pour des entreprises variées, cela revient à avoir beaucoup de choses à faire, et ce que je vous conseille par-dessus tout : ne pas vous mettre sur toutes missions en même temps.

Arrêtez de vouloir tout faire et tout compléter en une après-midi, ce n’est pas faisable et vous risquez de vous emmêler les pinceaux. Surtout si vous êtes à plein temps dans l’une de vos entreprises : mettez-vous un réveil et travaillez à fond pour celle-ci toute la journée, faites une pause vers 18h, et engagez-vous dans la mission d’une autre entreprise peu après seulement si vous estimez que celle-ci vous prendra une heure grand maximum.

 S’organiser quand on est en CDI ou en CDD

Quand on est en CDI ou en CDD c’est complètement différent. Vous n’avez pas à vous soucier outre mesure de votre comptabilité, cela dit, pour les impôts, il est très important de conserver vos fiches de paie soit sur votre ordinateur et sur un complément (disque dur, clé USB), soit physiquement, dans un classeur dédié à la gestion administrative.

L’avantage quand on est en CDI, CDD, c’est que les horaires sont fixes même si nous sommes nombreux, surtout en France, à faire des heures supplémentaires.

Arrêtez-tout : quand il est l’heure de partir, partez, gardez une chose en tête : « ce n’est que du travail ». Si ce travail vous passionne, c’est génial, mais il ne sert à rien de vous épuiser physiquement et mentalement, et d’ailleurs, ça ne vous rend pas plus performant.

2. Fixez-vous des priorités

Si vous êtes une ou un chef-fe de projet né-e, un consultant, une manageuse, bref : un télétravailleur qui doit gérer plusieurs projets en simultané : commencez par prendre du recul sur l’ensemble de vos missions et en un mot : PRIORISEZ.

Tout ne doit pas être fait en urgence, certains projets sont beaucoup plus importants et les autres un peu moins, c’est normal. Si vous êtes junior et que comme moi, vous avez eu du mal à établir clairement vos priorités, inutile de vous mettre la pression pour tout, tout le temps. Vous n’êtes pas UNDER PRESSURE.

Vous êtes maître de la situation.

En général, dans toutes les entreprises, on a tendance à fixer des objectifs de conversion prioritaires, mais tout ne tourne pas non plus autour de l’argent, si vous êtes dans une entreprise humaine et respectueuse de ses salariés mais aussi de la planète, il y a de fortes chances pour que vos priorités soient bien différentes des autres.

En tout cas l’important, c’est d’accomplir votre travail en étant vous-même, et de chercher à apprendre de vos erreurs.

Ce n’est pas la peine de vous mettre dans tous vos états pour le moindre petit détail.

Et d’ailleurs…

3. Détendez-vous ! Ce n’est QUE du travail

Au travail, à moins d’être médecin en télétravail et donc connecté à Skype ou Doctolib, il n’y a pas mort d’homme.

Si vous êtes épanoui dans votre travail, c’est l’essentiel, cela dit il n’y a aucune vie en jeu et si vous sentez que vous êtes en train de tirer sur la corde, surtout, écoutez votre corps.

Dès que vous ressentez une fatigue trop importante, un mal de dos inhabituel, des crampes, des maux d’estomac… Ayez bien en tête que c’est le signe que vous avez besoin de vous reposer et de faire une pause dodo.

En France, nous sommes très à cheval sur les horaires, et on a tous tendance à vouloir prouver notre valeur jusqu’à s’épuiser physiquement et mentalement. Stop ! On est pas des machines !

Je compte sur vous pour vous écouter, vous balader, écouter de la musique entre midi et deux, vous aérer l’esprit pendant vos pauses, la Terre ne va pas s’écrouler parce que vous n’avez pas livré telle refonte de site ou présentation PPT en temps et en heure.

Don’t worry be happy !

4. Ne prenez pas les critiques personnellement

Si vous êtes la petite dernière, le petit nouveau, bref vous venez tout juste de commencer à prendre vos marques dans l’entreprise de vos rêves : vous allez certainement entendre des phrases qui ne vont pas du tout vous plaire et qui risquent de vous bousculer.

C’est une note à moi-même mais aussi un conseil que je vous donne à vous cher lecteur – chère lectrice, ne vous emballez pas pour une phrase prononcée dans la précipitation, par une personne qui subit elle-même un stress important au quotidien.

Quoique ce collègue, cette-ce supérieur-e dise de votre travail, les remarques que l’on vous adresse ne sont généralement pas à charge et n’ont pas pour objectif de vous viser vous personnellement.

Quand on démarre dans la vie professionnelle, c’est très dur de savoir faire la part des choses alors une chose est sûre, ne vous flagellez pas et ne pleurez pas si une toute petite remarque vient contrecarrer votre journée. Cela arrive, et toute remarque au travail est censée être constructive et a pour but de vous aider à avancer.

Ce ne sera pas la première, ni la dernière que vous entendrez, autant vous y faire en répondant calmement et sereinement de la manière la plus intelligible et la plus pertinente possible.

Attention toutefois aux remarques et injures sexistes, aux propos mal placés, et ainsi de suite : vous n’avez pas non plus à encaisser des grossièretés. Si cela vous arrive, parlez-en et trouvez de l’aide autour de vous. Ne restez pas seuls !

Et dites-vous bien une chose, d’après mon psy, ce qu’une personne va dire de vous, de votre travail, ou de vos habitudes, en dit beaucoup plus longuement sur elle que sur vous-mêmes… À bon entendeur !

5. Fixez vos horaires, connaissez vos limites

C’est LA base d’un télé-travail serein.

Si on vous laisse le choix de vos horaires, tant que le travail est fait, ne prenez pas pour acquis que si vous avez envie, vous pouvez vous lever tard et travailler jusqu’à minuit. Bien sûr, c’est un rythme de croisière qui peut correspondre à beaucoup d’entre nous, on est tentés de s’y essayer. Cela dit, ce n’est pas le meilleur rythme professionnel à long terme.

Je vous recommande d’adopter des horaires sains et réguliers, pour ne pas trop vous perturber tant sur le plan physique que psychologique. Parce que tout le monde le sait, se coucher tard, ce n’est jamais bon pour la santé, surtout si vous vous endormez devant un écran.

Autre point très important, connaissez-vous vous-même (#Socrate), connaissez vos limites. Vous savez que vous êtes du genre à s’enthousiasmer pour le moindre projet ou la moindre activité excitante ? Ne foncez pas tête baissée et n’acceptez pas tout et n’importe quoi. Je vous recommande vivement d’éviter le surmenage en acceptant un à deux projets à la fois, et non cinquante tel que vous en rêvez sauf que… Votre corps ne va pas apprécier.

Ménagez-vous, reposez-vous, prenez le temps qu’il faudra, ce n’est que de cette manière que vous allez prouver à votre équipe que vous êtes réellement au top de la performance.

J’espère que ces petits conseils vous ont été utiles 😊

Si vous avez des questions, une remarque, la Team Colette se fera une joie d’y répondre !

Si vous avez des questions, des remarques la Team Colette se fera une joie d’y répondre.

Bon FULL REMOTE à tous.

Célébrons le printemps🌸

Ça y est, la saison du renouveau, des arbres en fleurs et des amours est arrivée ! Activité physique, aménagement de votre intérieur, alimentation, lectures : accueillons le printemps !

108 salutations au soleil, le rituel yoga

C’est le rituel ancestral des yogis à chaque changement de saison. Il s’agit d’enchaîner 108 salutations au soleil afin de raviver le feu intérieur, et d’accompagner la transition : celle de notre pratique, et celle du passage d’une saison à l’autre. Le système immunitaire est ainsi renforcé.

Le nombre 108 est un nombre sacré dans plusieurs religions orientales (l’hindouisme, le jaïnisme et le bouddhisme). En hatha yoga, on compte 108 asanas (postures). Le nombre 108 symboliserait l’existence suprême. On le retrouve également dans le cosmos en astronomie et dans l’astrologie.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’accomplir une performance, le nombre des salutations au soleil effectué importe peu. Seuls comptent l‘intention et l’état du yogi au moment de la pratique.

De quoi se challenger, et se faire une petite session cardio après toutes les raclettes accumulées pendant l’hiver ! Cette pratique, digne d’un test d’effort olympique, permet de se recentrer sur la concentration et la respiration.

On se motive avec notre prof de yoga préférée, Cam’s yoga !

Promenons-nous dans les bois, tant que le COVID n’y est pas

Le gouvernement actuel nous fait marcher… Evitons les considérations politiques ici, et retenons des dernières mesures, cette bonne nouvelle : un confinement dehors.

La balade est devenue l’activité préférée des français. Si vous êtes concernés par l’un des seize départements confinés, c’est l’occasion de découvrir les bois, forêts ou parcs à 10km de votre domicile.

Activité physique accessible, la marche est considérée comme un sport. On compense ainsi les longues heures de sédentarité liées au télétravail (ou, à défaut, à la flémingite aigue). S’aérer aurait des effets sur la santé : la lumière régulerait l’humeur et le sommeil.

Beauté green et alimentation

Si vous consommez encore des cosmétiques conventionnels (chimiques), c’est le bon moment pour vous mettre à une routine bio et naturelle. On n’hésite pas à télécharger l’application Inci pour évaluer la toxicité des ingrédients présents dans nos produits de beauté.

Côté alimentation, on met le corps au repos. L’hiver a été synonyme de chocolats à gogo, de raclettes-party, de galettes des rois en veux-tu-en-voilà, de crêpes et autres mauvais gras. Sans se priver des bonnes choses, on opte pour une cuisine saine, bio et de saison.

Overdose De Raclette GIF - Raclette Cheese Fromage GIFs

Nettoyer, balayer🎵

Avec le printemps, qui n’a pas envie d’une maison qui sente bon la lavande ? Si on a laissé s’encrasser le bac du frigo pendant l’hiver, c’est parti pour un bon nettoyage !

Musique à fond, fenêtres grandes ouvertes, on donne un petit coup de neuf à son intérieur.

L’occasion de faire le tri dans ses placards : on offre une seconde vie à nos vêtements en les donnant à des associations ou en les vendant sur Vinted.

On chouchoute nos plantes si on les a délaissées pendant l’hiver : on arrose (modérément), on leur parle, on coupe les feuilles fanées, on leur fait profiter du soleil.

En bref, on remet de la vie dans notre logis !

La saison des amours

Que l’imaginaire collectif associant la saison printanière à celles amours soit vérifiable ou non, on reconnaitra que c’est une saison joyeuse et colorée. Si les arbres fleurissent, que les oiseaux roucoulent et que les chats se reproduisent, tout ce tableau participe à un enchantement de l’état amoureux.

Quoi de mieux que la poésie pour décrire cet état ? Lors de votre sortie en plein air, laissez-vous emporter par la beauté des rimes de votre poète préféré. Et pour travailler votre mémoire, pourquoi ne pas apprendre quelques vers ?

L’amour on peut le vivre, le lire, ou l’interroger. C’est ce que se propose de faire le tout nouveau podcast de Victoire Tuaillon, « Le Coeur sur la table« . Diffusé une fois par semaine sur Binge audio, ce podcast nous interpelle sur le fait que « s’aimer est l’une des façons de faire la révolution. » Passionnant.

Le « Désir » à l’honneur au Printemps des Poètes 2021

Édition 2021

Pour cette 23ème édition, les évènements du Printemps des poètes sont organisés autour d’une thématique : le désir. De quoi accueillir le printemps sur le mode lyrique.

La manifestation littéraire a lieu du samedi 13 mars au lundi 29 mars 2021. Pendant 15 jours, des activités présentielles et en ligne sont organisées.

#8 MARS – Quand la jeunesse se mobilise !

Ils sont jeunes et déjà, conscients des combats inhérents à la lutte féministe. La Team Colette est allée à la rencontre du collectif Sudriettes, une association féministe créée par les étudiants de l’ESME Sudra, école d’ingénieur basée à Paris, Lille, Lyon et Bordeaux.

Mais d’abord. Un petit rappel sur la journée du 8 mars, en quelques dates clés :

Les Sudriettes, jeune asso’ d’ingés engagés

Gabriel et Irène, 19 ans, nous racontent :

« À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le projet initial de l’école était d’offrir des fleurs à toutes les femmes de notre école (ndlr : ESME Sudria) . Cependant, nous les Sudriettes Paris, (et bon nombre des autres associations de l’école) nous étions complètement opposés à cette idée !

Nous avons donc été amenés à proposer autre chose, pour remplacer l’idée de départ. Nous avons proposé de faire des affiches de sensibilisations sur divers sujets et de faire circuler un questionnaire Google form avec des questions assez précises pour étudier et analyser le sexisme au sein de notre école. Nous en avons aussi profité pour mettre en avant notre association. »

Voici les résultats du sondage des Sudriettes :

Gabriel, Irène et leurs acolytes vous présentent... les affiches Sudriettes ! 

Le combat pour l’égalité continue à l’école…

Pour la présidente des Sudriettes, Eugénie Beldowski, le combat pour l’égalité est indispensable.

« Avec 9 étudiant.es nous avons créé les Sudriettes Paris car le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur des débats dans la société française et aussi dans le monde entier.

C’est un vrai mouvement en faveur des femmes qui est en marche, et ce bien au-delà de la mauvaise réputation des féministes et du féminisme en général.

Le féminisme d’aujourd’hui n’est pas contre les hommes, l’égalité se fera avec les hommes.

Les Sudriettes Paris ont choisi de se concentrer sur les sujets liés à leurs études : l’accès des filles aux études d’ingénieurs, la place des femmes ingénieures dans les entreprises, l’égalité des salaires homme/femme dans le monde de l’ingénierie.

En étroite collaboration avec la direction de l’école nous sommes également très vigilant.es au sein de notre école qui à ce jour compte 20% de filles seulement. »

Mais aussi dans la rue !

Cet après-midi, des milliers de manifestantes et de manifestants ont marché dans les rues de Paris pour dénoncer le patriarcat et élever la voix contre les injustices faites aux femmes.

Féminisme : portraits de femmes du monde entier

Pour aller plus loin : les numéros à retenir

Le combat continue !

Toute la Team Colette vous souhaite de belles manifs constructives et sans violence.

Bisous et Courage aux Sudriettes, et à toutes les femmes de la planète ❤️

La série « En thérapie » sur le divan des psys (2/2)

La série Arte « En thérapie » fait l’objet de critiques très antagonistes, notamment parmi les professionnels du champ analytique.

Dans ce deuxième volet, Laurence Croix, psychanalyste et maître de conférences, analyse le cas du personnage d’Ariane.

« Sur le fil d’Ariane », par Laurence Croix

Ce n’est pas une histoire de caméra qui entre dans un cabinet de psychanalyste. La psychanalyse reste une expérience peu transmissible. Ce qui se passe et se transmet dans une séance d’analyse est, malheureusement peut-être, emprisonnée dans une expérience singulière pas transposable et transmissible sur un écran ou ailleurs.

Il s’agit ici d’une fiction, et j’ai été très agréablement surprise dès le premier épisode avec le cas d’Ariane.

La séquence commence par des pleurs et le silence, puis cette première phrase avant tout générique « je ne pense pas pouvoir m’allonger aujourd’hui ». Le téléspectateur non seulement plonge brutalement comme un voyeur, dans l’intimité du cadre analytique, mais la dynamique d’une cure est immédiatement posée.  

Puis l’analyste invite la patiente à s’autoriser une parole. Cette parole décousue entre l’attente dans le froid devant la porte d’immeuble de l’analyste, la panique liée à l’attentat du Bataclan, le dure réalité du bloc opératoire, la vie décevante d’un couple au fond du lit où il ne s’y passe plus rien.

Tout cela a l’air décousu, mais l’hypothèse freudienne de l’inconscient permet justement de réintégrer de la cohérence et de la logique. C’est la méthode des associations libres inventée par Sigmund Freud. C’est par cette logique propre à l’inconscient que le sujet pourra se découvrir lui-même et donc accéder à son désir trop souvent entravé et refoulé, comme celui d’Ariane…

L’analyste accueille cette parole, ces associations et nous fait entendre à nous aussi spectateur au détour des très beaux dialogues, un lapsus ou une dénégation comme « ce qui s’est passé cette nuit n’a rien à voir avec les attentats. »

Certes la série En thérapie, version française, tente de nous faire entendre quelque chose de l’analyse, cette liberté, cette intimité, mais aussi l’écoute et le travail de l’analyste.


L’épisode dévoile cette relation entre les deux protagonistes, artificielle et particulière de la relation analytique. Les émotions que Frédéric Pierrot joue avec une authenticité remarquable dans cette écoute idéalement « neutre », dit-on, en théorie.  Mais comment être neutre quand sa patiente est si charmante et sexy ? De plus, elle ne lui facilite pas la neutralité dite « bienveillante « en avouant penser à lui tout en faisant une « gâterie » à un inconnu qu’elle ne désire pas.

La fiction, elle, permet cette déclaration d’amour passionnel, « obsessionnelle » dit-elle. On ne peut pas nier que le transfert est souvent passionnel car non seulement il condense des répétitions d’amours anciens et actuels, mais surtout comme l’écrit Freud il est aussi un amour « authentique ». C’est ce qu’interroge précisément ce cas d’Ariane dans la série, c’est cet amour complexe et authentique de la relation analytique, un sujet délicat, et où tout l’art de l’analyste est de savoir le gérer au mieux qu’il peut pour poursuivre le travail.

Le transfert est un amour authentique, même pour un analyste qui n’est pas particulièrement séduisant, même s’il est triste et ennuyeux, comme elle le lui fera remarquer. Évidemment il est surprenant que l’analyste n’ai rien voulu en entendre en amont de cette passion et semble tomber des nues, ce qui n’est évidemment pas à son avantage (d’analyste, mais classique chez les hommes oserons-nous dire !)


« Je sais que vous êtes impossible mais mon corps ne le comprend pas (…) » dit-elle. Le corps de l’hystérique parle ici à la place de la femme de ce réel de l’amour de transfert.
L’analyste reste coi mais tente de maintenir le cap éthique : « On en reparle la semaine prochaine » lui répond-il ! On entendra son désarroi, celui de l’homme tout simplement qu’il est avant d’être analyste…

C’est ce que certains de mes collègues ont parfois apparemment mal supporté. Qu’il ne soit pas un analyste super héros, dans une perfection illusoire, juste un banal névrosé lui aussi traumatisé par l’attentat. Mais qui ne le serait pas ? 

Cet amour (de transfert) est au cœur de l’éthique analytique dans toute cure.

S’agit-il que de tromperie sur l’objet aimé ? En partie certainement, mais tout amour n’est-il pas une tromperie ? D’un débordement du transfert dirons d’autres, au détriment de la psychanalyse, mais tout amour n’est-il pas « débordement » ?

C’est une difficulté majeure de « la direction de la cure » comme l’a nommée J. Lacan. Mais l’homme, ou la femme, et sa position d’analysant ne peuvent simplement se juxtaposer. C’est dans cet interstice justement que le travail s’élabore au lieu même du transfert, de l’amour, en tant qu’il est tout autant inévitable que nécessaire au travail analytique.

La psychanalyse est la seule pratique thérapeutique (qu’on le veuille ou non) qui intègre un travail sur le transfert.

C’est la spécificité même de la psychanalyse, ce n’est pas le transfert qui lui circule partout et tout le temps. L’analyste reste aux prises de ses désirs aussi, et pas que pour ses patientes ou patients. Les traumatismes et autres événements de la vie peuvent kidnapper le désir propre de l’analyste.

Dans tous les cas je félicite les auteurs d’un scénario intelligent, relativement proche du terrain de nos cabinets et au cœur des questions qui agitent le mouvement analytique depuis ses débuts (voir le cas Anna O.)  

Évidemment la performance de tous les acteurs dans cette série française rend d’autant plus cette fiction, car cela reste une fiction, intelligente, subtile, et revivifiante pour nos écrans souvent trop portés à tout simplifier et bêtifier sur le mode des thérapies comportementales ou d’une psychologie toujours mal vulgarisée.


Pour ma part donc, je pense qu’elle peut susciter chez tout à chacun des questions, d’analyste et de patients, mais pas seulement. Chacun pourra, s’il le désire, se poser des questions fondamentales sur ses propres désirs, ses amours, ses échecs et ses désillusions… Et pourquoi pas éventuellement s’en remettre à un analyste avec un peu moins d’appréhension !

Laurence Croix, psychanalyste, Maître de conférences à l’université.
Auteure notamment des ouvrages La douleur en soi, érès 2002, Le père dans tous ses états, De Boeck, 2011, Pour un regard neuf de la psychanalyse sur le genre et la parentalité, avec G. Pommier, érès 2018.

Diffusé sur Arte tous les jeudis du 4 février au 25 mars à 20h55.
Disponible en intégralité sur Arte.tv 
et sur Youtube.

La série « En thérapie » sur le divan des psys (1/2)

C’est la série évènement Arte. Réalisée par Éric Toledano et Olivier Nakache, cette fiction en 35 épisodes est une adaptation de la série israélienne “BeTipul”.

L’histoire se déroule au lendemain des attentats du Bataclan. Le psychiatre Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) reçoit Ariane (Mélanie Thierry), Adel (Reda Kateb), Camille (Céleste Brunnquell), Léonora et Damien (Clémence Poésy et Pio Marmaï). Entre inconscient et trauma collectif, la série questionne l’impact des évènements sociétaux sur les subjectivités.

Nous avons demandé à des psychanalystes de regarder les premiers épisodes.

« C’est loin de la réalité », l’avis de Catherine Grangeard, auteure et psychanalyste.

Cette série bénéficie d’une promo exceptionnelle. Avantages et désavantages ! Une attente extraordinaire, par exemple. En tant que psychanalyste, je suis déçue. Les premiers épisodes du premier jeudi n’ont pas été à la hauteur de ce que j’espérais. Le psy est si bavard ! Et tant de clichés. La si jolie patiente en plein transfert amoureux, quelle caricature !

Là où tout devrait être nuances, quel dommage. Pourquoi avoir céder à cette facilité ? L’adolescente est plus réaliste, heureusement.

Il est essentiel de différencier fiction et réalité.

L’intimité d’un cabinet exclut la possibilité du film. Aussi en tenant compte du temps long du travail d’élaboration psychique et de l’inverse, la nécessité qu’il se passe quelque chose à l’écran pour que le téléspectateur ne zappe pas, ça devient plus acceptable. Mais attention à l’effet « Vu à la télé ». Cela peut devenir « je sais bien, mais quand même » et induire en erreur.

Au final, la première séance du psy chez sa contrôleuse frise le ridicule. On apprécie qu’il soit plein de doutes, c’est très bien mais mêler à ce point les vies privées et le travail, c’est loin de la réalité.

Ce qui est passionnant c’est de mesurer l’engouement. Ainsi la psychanalyse si largement décriée suscite toujours tant de passions !

L’élément fondamental, absolument rassurant, c’est de voir les évènements sociaux pénétrer le cabinet. Même s’il faut relativiser au sujet des attentats car loin de Paris il est à souligner que ce ne fut pas si prégnant. Ailleurs ce sont d’autres sujets qui impactent les vies. Toujours l’influence de la société marque. D’où l’importance de souligner la nécessité de l’importance d’une prise de conscience des normes et diktats sociaux, c’est rarement bien compris. Pour cela cette série marque un point. Et ça c’est considérable !

Diffusé sur Arte tous les jeudis du 4 février au 25 mars à 20h55.
Disponible en intégralité sur Arte.tv
et sur Youtube.

5 alternatives gratuites à Netflix

Ton ex s’est fait la malle avec ses codes Netflix ? On a sélectionné des plateformes de streaming gratuites tout aussi qualitatives pour te faire une culture ciné aux petits oignons.

Arte.tv

Arte.tv c’est un peu la base pour les cinéphiles. Le site propose des films et des séries, mais aussi des concerts, des documentaires et des émissions (Histoires, Sciences, Voyages et découvertes).

La rubrique Cinéma permet d’avoir accès à des cycles thématiques. En ce moment, on peut y déguster le cinéma marivaudien d’Emmanuel Mouret ou encore des films en hommage à Jean-Claude Carrière.

La rubrique Séries diffuse en intégralité les séries évènements. On peut ainsi binger à souhait depuis son canap’.

Et si vous ne trouvez pas votre bonheur, un système de VOD (vidéo à la demande) donne accès à des programmes à louer ou à acheter.

France.tv

Faut croire que les chaines du service public c’est comme le vin, ça se bonifie avec le temps…

France.tv offre des films (courts et longs-métrages), des séries et des documentaires en accès libre.

De la série teenage « Skam » au cinéma intello de Desplechin, on se régalera aussi devant les premiers films de réalisatrices et réalisateurs connus comme Xavier Dolan (J’ai tué ma mère), Mathieu Kassovitz (Métisse), Valérie Donzelli (La Reine des pommes).

La collection 100% réalisatrices met des cinéastes talentueuses à l’honneur. On se réjouit de pouvoir (re)voir Le Beau monde de Julie Lopes-Curval, White Material de Claire Denis, L’Enfant d’en haut de Ursula Meier.

A l’occasion de la 43e édition du Festival du court-métrage de Clermont Ferrand, le site propose dix courts  des sélections : Regards d’Afrique, Compétition 2020 et Compétition Nationale pour 2021. De quoi se régaler donc … !

MK2 Curiosity

Les salles de cinéma et de spectacles sont toujours fermées. Mk2 s’invite chez nous et diffuse, chaque mercredi, une sélection de 5 films en accès libre.

Les collections en hommage à des réals comme Agnès Varda ou Jacques Demy permettent de découvrir les courts-métrages de ces démiurges du cinéma.

La Cinémathèque française

Chaque jour, la Cinémathèque met un film rare issu de ses collections. Les vidéos sont accompagnées d’une note sur le réalisateur ou la collection, d’une critique sur le film. Comme une visite réelle, la démarche est pédagogique.

L’occasion de se forger une solide culture ciné !

KuB

KuB [KulturBretagne] est une plateforme d’une richesse inouïe : elle diffuse gratuitement documentaires, fictions, films d’animation, créations sonores, photographies, spectacles, lectures.

On y trouve aussi des vidéos avec des acteurs culturels. On a accès à l’œuvre finalisée mais aussi au processus de création, et ça c’est quand même super passionnant !

Le tout est accompagné de textes mis en perspective. Le contenu est très documenté.

Parce que le site regorge de petites pépites et si on devait en retenir une, on saluera la collection « La révolution au féminin », et notamment la sélection des dix films sur le féminisme.

Plus d’excuse pour parfaire ta culture ciné ! Bonne séance ! 🎥